La ministre déléguée aux Outre-Mer Marie Guévenoux a reçu lundi 19 février les élus mahorais pour tenter d’apaiser la crise qui secoue le 101ᵉ département français. Depuis cinq semaines, certains habitants dénoncent via des barrages et blocages l’insécurité, dont la violence a transformé la vie de nombreux habitants.
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Avec notre envoyée spéciale à Mamoudzou, Lola Fourmy
Zalia a 32 ans et est animatrice scolaire à Mtsapéré. Une agression a transformé la vie de la famille de cette Mahoraise : « Mon mari, il y a quatre ans, était en scooter et a été arrêté par un groupe de jeunes qui voulait lui voler son scooter. Il a coopéré, il leur a laissé le scooter, mais eux, ne l’ont pas seulement pris. Ils ont d’abord passé mon mari à tabac et, malheureusement là où il a saigné, on ne peut pas l’opérer, car c’est une zone très dangereuse. Depuis, il fait des crises d’épilepsie. »
Pour être soigné, son mari a dû quitter l’ile, direction la métropole pour trouver un neurologue, car l’insécurité empire même le désert médical de l’île. « Toute cette insécurité entraîne derrière elle beaucoup d’autres choses. Personne ne veut venir ici, même les médecins. »
À Mayotte, en 2018, 7 % des personnes avaient subi un vol avec violence, soit dix fois plus qu’en métropole.
Abdallah lui a été menacé directement : « Dans le cadre de mes fonctions, je me suis fait agresser, j’ai vu la mort en face lorsqu’on a brûlé le véhicule que je conduisais, j’ai vu brûler l’ingénieur que j’avais amené, j’ai vu la fin de ma vie arriver. »
À Mayotte, près de 50% des habitants déclarent se sentir en insécurité, selon les derniers chiffres de l’Insee. Ils sont aussi peu nombreux à déposer plainte, affirmant que cela serait inutile, ou par peur de représailles.
Alors que la ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux a notamment annoncé le lancement dans les prochains jours de l’opération Wuambushu 2, elle n’a pas pour autant annoncé la mise en place d’un état d’urgence comme le demandaient les barragistes. Certains barrages sont donc toujours en place dans l’île pour la cinquième semaine consécutive. Pour certains filtrants, ils sont installés aux quatre coins de l’île et limitent les déplacements des élèves ou des travailleurs.
De nombreux barrages délaissés
D’autres barrages sont laissés à l’abandon. Ces derniers compliquent la tâche des éboueurs, qui ne peuvent plus collecter les 200 tonnes habituelles de déchets par jour.
Les barragistes laissaient globalement la population circuler lundi, les automobilistes ont également été confrontés à des murs à certains endroits, comme à Combani. Le barrage « était ouvert il y a quelques minutes, quand je passais dans l’autre sens. Mais quand je suis arrivé là, je l’ai trouvé fermé. Il y a des carcasses de véhicules assez lourdes à déplacer et on ne peut pas les dégager facilement ». Malgré tout, cet habitant continue de soutenir le mouvement : « Comme ça, on parle du sujet en question pour une fois, mais on gagnerait à améliorer l’organisation. »
Exemple sur ce barrage que personne ne gère. Cela exaspère cet agent de la Sidevam, qui collecte les déchets et se retrouve bloqué : « il n’y a même pas les barragistes, il n’y a aucune personne, rien. Par exemple, s’il y a un accident quelque part là et l’ambulance veut passer, les pompiers ou le Samu, ils passent où ? »
Le stade de Cavani bientôt évacué
Finalement, c’est un autre camion de collecte qui rouvrira la route, à l’aide de sa grue pour enlever les carcasses de voitures. En attendant, le ramassage des déchets a pris du retard : « il y a plein d’ordures partout, même les ordures ménagères sont sur la route nationale. » La Sidevam a annoncé qu’il faudra entre deux et quatre semaines avant un retour à la normale en ce qui concerne les déchets… mais cela une fois les barrages totalement levés.
L’une des revendications des barragistes portait sur le stade de Cavani, où sont installés des centaines de demandeurs d’asile africains à Mamoudzou. Une opération est prévue « dans les prochains jours », a annoncé lundi le ministère des Outre-mer. « L’opération d’évacuation du stade Cavani sera réalisée dans les prochains jours pour répondre aux préoccupations du territoire », a indiqué le ministère dans un communiqué, à l’issue d’une rencontre lundi entre la ministre déléguée chargée des Outre-mer, Marie Guévenoux et plusieurs élus de Mayotte.
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