Les archives de Van Cleef & Arpels compilées dans un beau livre

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Au premier abord, l’ouvrage impressionne par sa pagination. Mais l’introduction tranquillise : « Libre au lecteur de varier les focales, entre promenade contemplative et plongée dans les détails. » C’est en effet le plaisir qu’autorise La Collection Van Cleef & Arpels – 1906-1953 (Xavier Barral, 668 pages, 220 euros), un beau livre majeur par lequel le joaillier parisien offre un aperçu complet de son fonds patrimonial sur cette période.

« Cela faisait longtemps qu’un catalogue raisonné nous tentait, et il nous a fallu trois ans de travail avant d’achever cette première partie », retrace le directeur général, Nicolas Bos (par ailleurs promu en mai directeur général de la maison mère Richemont, établie en Suisse, qui coiffe aussi Cartier, Piaget, Montblanc, Chloé ou Alaïa).

Garnie chaque année de « quelques dizaines » de spécimens, la collection patrimoniale de Van Cleef & Arpels embrasse aujourd’hui 2 700 pièces, dont ses hits romantiques : clips (broches) ballerines, fleurs ou oiseaux… Patiemment répertoriées et photographiées, elles remontent jusqu’à 1906, année où, à Paris, le courtier en diamants Alfred Van Cleef s’associe à Charles, Louis et Julien Arpels, négociants en pierres précieuses et frères de sa femme, Estelle, épousée en 1895.

« Dès le début des années 1970, la troisième génération des Arpels a compris l’importance des archives, à un moment où la plupart des marques les jugeaient encombrantes, s’en débarrassaient ou les léguaient à des musées », souligne Nicolas Bos. La pièce la plus ancienne de 1906 n’est pas un bijou, mais la reproduction en or et émail du Varuna, un voilier à vapeur hissé sur un bloc de jaspe : selon les souhaits de son propriétaire, Eugene Higgins, l’objet dissimule « une sonnette électrique qui [lui] permettait d’appeler son majordome ».

Suivent dans les années 1920 d’autres fantaisies tels ces poudriers précieux ou ces étuis à cigarettes – pour frimer par exemple aux courses hippiques, comme les Arpels. Un vent orientalisant souffle ensuite sur Paris : apparaissent alors des nécessaires japonisants, des clips et bracelets égyptiens, des pierres gravées « hindoues »… Autant de trésors applaudis : « L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels à laquelle la maison participe en 1925 marque un tournant, le signe d’une première reconnaissance à l’étranger », rappelle Alexandrine Maviel-Sonet, directrice du patrimoine et des expositions.

Mosaïque de rubis ou de saphirs

L’événement précède des années 1930 éblouissantes, du bracelet Ludo de 1934 (une maille de briques d’or à fermoir ceinture) au clip Chardon de 1937 (une sphère aux épines piquées de gemmes). « C’est aussi, souligne Alexandrine Maviel-Sonet, l’ère de la naissance des bijoux transformables et du Serti mystérieux », mosaïque de rubis, saphirs ou émeraudes sertis sur des rails d’or invisibles, technique brevetée dès 1936.

Les bijoux ont beau former une bulle de luxe, le surgissement de la seconde guerre mondiale se ressent au fil des pages. Non seulement Van Cleef & Arpels « vend de nombreux bijoux patriotiques », lit-on page 343 – clips bleu-blanc-rouge ou breloques en forme de char ou de parachutiste –, mais doit aussi faire le deuil du platine, réservé à un usage militaire, pour privilégier l’or jaune, traité en billes généreuses ou en chaînes tubogas.

Pour les curieux avides de se plonger dans une telle somme mais qui seraient rebutés par son poids et son prix, la maison le démocratise en un site (The-collection.vancleefarpels.com) plus digeste, ludique, gratuit et bien fourni. Tout en préparant un deuxième tome qui embrassera les années 1954 à 2000, à paraître dans quelques mois.

Source du contenu: www.lemonde.fr

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