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Au Quai Branly, les pleureuses revisitées de Myriam Mihindou

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Faut-il employer le mot banal d’exposition, à propos d’« Ilimb, l’essence des pleurs », le dispositif sculptural et sonore que déploie Myriam Mihindou au Quai Branly, à Paris ? Il est plus exact de le définir comme une réflexion artistique et anthropologique fondée sur une tentative de réactivation d’œuvres anciennes, résultat de l’invitation, lancée il y a deux ans, par le musée à l’artiste de travailler dans ses collections.

Franco-gabonaise, née à Libreville en 1964, celle-ci a défini son sujet, la pratique des pleureuses, qui repose sur son expérience personnelle et sur ce qu’elle a lu et entendu depuis son enfance. Sont ainsi désignées les femmes qui participent aux cérémonies funéraires et aux rituels qui ont pour but l’apaisement des âmes, celle de la défunte ou du défunt et celles des survivants. Elles étaient essentielles dans les pratiques du deuil propres à la culture punu, qui était celle du père de l’artiste ; elles le sont dans bien d’autres parties du monde, et depuis l’antiquité la plus ancienne. Les pleurs, les flots de larmes, leur sel, leur eau, leurs modulations, leurs effets physiques et psychiques et, à l’arrière-plan, une réflexion sur la mort et le deuil, tel est le sujet. Il touche d’autant plus aujourd’hui que l’on sait combien et comment les sociétés modernes s’efforcent de le dissimuler, de l’expédier à la va-vite, à l’inverse des longues nuits de lamentations et d’affliction des pleureuses.

Puissance de suggestion

Or, dans les réserves du musée, dans le silo de verre où sont enfermées, en particulier, ses collections d’instruments de musique, Myriam Mihindou a trouvé des harpes punu, si caractéristiques de cette culture. C’est à ce point que la notion de réactivation intervient. Non qu’il ait été possible de faire entendre à nouveau ces cordes, mais en accomplissant deux opérations successives : d’abord réaliser en terre cuite les copies de neuf d’entre elles, les unes chargées de motifs humains ou animaux, les autres d’une géométrie épurée ; puis, en les disposant en cercle, sur de hautes tiges, assemblée qui évoque celle des pleureuses.

C’est le point de départ d’« Ilimb », qui est un parcours, bordé à gauche, sur toute sa longueur, par une très longue ligne sinueuse de tiges de saule tressées et entrelacées de fil de cuivre et qui est une pièce sonore – caresser cette corde permet d’en tirer des vibrations et des échos. A droite, il commence par le cercle des harpes et s’avance jusqu’à un deuxième cercle de vases d’argile, de kaolin et de sel marqués d’empreintes de la main et qui évoquent des urnes funéraires. Le parcours passe aussi par la sculpture, en tilleul, d’un bras et d’une main tenant deux bâtons, ceux que les pleureuses choquent pour donner le rythme, et par une tête de cheval faite de médailles et de pièces usées − le cheval est, dans bien des cultures, associé à la migration des âmes des morts. Il finit devant des dessins de faisceaux de lignes, qui semblent les enregistrements sismographiques de ces émotions.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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