Reportage France – À Marseille, la vie sous-marine revient partiellement sur des récifs artificiels

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Au moins 160 espèces sous-marines sont revenues s’installer dans la calanque de Cortiou, à Marseille, grâce à des récifs artificiels. L’écosystème a été fortement dégradé depuis le 19ᵉ siècle par des rejets polluants. Toutefois, la pertinence d’un tel dispositif fait débat.

De notre correspondante à Marseille,

Oursins, crustacés, éponges, bryozoaires… et une farandole de poissons ! Au moins 160 espèces sous-marines ont trouvé refuge dans les 36 récifs artificiels immergés de la calanque de Cortiou à Marseille, selon l’Agence de l’eau – Rhône, Méditerranée, Corse. « La vie sous-marine a été très perturbée. On voulait voir si la vie pouvait reprendre, et ces résultats sont très encourageants ! », se félicite Annick Mièvre, directrice régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse de cette agence.

Car dès le 19ᵉ siècle, Cortiou sert de déversoir pour les eaux usées de Marseille et l’afflux de rejets polluants perturbe durement l’écosystème de la calanque. En 1987, une station d’épuration est érigée pour traiter les eaux usées avant de les envoyer vers la calanque : moindre mal pour Cortiou. Mais l’amélioration de la qualité de l’eau ne suffit pas à faire revenir les populations marines.

« Biomasse ne veut pas dire qualité écologique »

Suggéré notamment par le Parc national des calanques, le projet Rexcor est lancé en 2017. « L’idée était de donner un coup de pouce à la vie marine qui n’était pas revenue d’elle-même », explique Annick Mièvre. Quatre « villages à poissons », constitués de plusieurs récifs chacun, sont immergés entre 10 et 25 mètres de profondeur. Le site le plus proche se situe à 200 mètres du point de rejet polluant, deux autres à 700 mètres et le dernier à 1,5 kilomètre. « Cela permet d’étudier le retour de la vie marine en fonction de la proximité avec le point de pollution », explique Sandrine Ruitton, chercheuse à l’Institut méditerranéen d’océanologie. Les récifs doivent durer au moins 30 ans et résister à une houle de 9 mètres.


Un plongeur inspecte les nouveaux récifs artificiels du projet Rexcor (Restauration écologique expérimentale des fonds côtiers de la calanque de Cortiou) dans la zone de Cortiou, à 20 mètres de profondeur au large de la ville de Marseille, le 30 janvier 2018. © Boris Horvat / AFP

Sept ans plus tard, tous les sites sont colonisés : « On en a déduit que la vie pouvait reprendre, y compris à proximité du rejet », remarque Annick Mièvre de l’Agence de l’eau. Ce qui, selon elle, pourrait donner naissance à d’autres projets de ce type aux abords de lieux ainsi dégradés.

« Attention, pondère Sandrine Ruitton, la présence de biomasse [matière organique végétale ou animale, NDLR] ne veut pas dire qualité écologique ! Il y a des espèces qui prolifèrent, qui sont invasives, mais il peut aussi y avoir la présence de gros prédateurs, comme les congres. » La chercheuse plonge chaque saison pour observer le peuplement des récifs et rappelle que « toute structure immergée se colonise automatiquement, parce qu’elle représente un habitat pour les espèces qui y trouveront à manger, même en zone polluée ». Certaines espèces comme les mérous et les labres, plus sensibles, ne sont pas revenues à proximité du rejet polluant.

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Des eaux toujours polluées

Certes, les eaux rejetées répondent désormais aux normes environnementales, mais elles restent sales. « En plus, c’est de l’eau douce : on a donc une modification locale de la salinité de l’eau, ce qui entraîne des modifications de l’environnement », analyse Sandrine Ruitton. Pour elle, « on ne peut pas parler de restauration écologique », car il aurait fallu stopper la pression responsable de la dégradation de l’écosystème. Or dans ce cas, « la source de pollution n’est pas stoppée. »

Vu l’état toujours dégradé de la zone, la scientifique interroge la pertinence d’une telle expérimentation. D’autant que lors d’épisodes orageux, la station d’épuration sature et ouvre les vannes sans traiter les eaux usées et en laissant parfois passer des macro-déchets. Alors canettes et bouteilles en plastique se retrouvent au fond de Cortiou.

À 1,4 million d’euros, la scientifique s’interroge sur la pertinence du projet « qui ne préserve pas l’environnement » comme auraient pu le faire des actions de sensibilisation ou de protection. « Il ne faut pas perdre de vue que les récifs artificialisent le milieu. Ce n’est pas optimum quand on veut restaurer un écosystème », ajoute-t-elle. 300 tonnes de béton ont ainsi été déposées dans le fond de Cortiou.

À écouter dans C’est pas du vent Quand les enfants deviennent les ambassadeurs des récifs coralliens de l’océan Indien

Source du contenu: www.rfi.fr

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