Les mondes poétiques et oniriques de Paul Delvaux

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Quand Paul Delvaux (1897-1994) a débuté, il ne pensait à rien d’autre, expliquait-il en 1973, qu’exprimer « quelque chose qui, à ce moment-là, était très indéfinissable ». Alors il a commencé par peindre comme les expressionnistes, puis comme James Ensor, tout en admirant Nicolas Poussin, Ingres, Picasso, Dali.

Il avait, surtout, été le condisciple de René Magritte (1898-1967) à l’Académie royale de Bruxelles, et comme il fallait bien, déplorait-il, « que chaque artiste soit classé dans une catégorie déterminée », il a donc été considéré, un peu contre son gré, comme l’un des représentants les plus originaux du surréalisme belge. Loin toutefois, très loin, de son illustre camarade de classe dont il n’a jamais atteint la renommée ou la cote faramineuse sur le marché de l’art.

Les honneurs de la Belgique ont, en tout cas, été largement réservés à Magritte, qui s’agaçait d’être assimilé à celui qu’il avait rebaptisé « Deboeuf » et chez lequel il détectait « un relent de sacristie ». Un beau Musée Magritte trône aujourd’hui sur la place Royale de Bruxelles, tandis que c’est à Saint-Idesbald, petite station balnéaire de Flandre-Occidentale, que la Fondation Paul Delvaux perpétue difficilement la mémoire de l’artiste, décédé en 1994 à Bruxelles. Et si des milliers de visiteurs se pressent pour admirer Le Fils de l’homme ou La Trahison des images (« Ceci n’est pas une pipe »), de Magritte, il y a vingt-sept ans que celles de Delvaux n’avaient plus été rassemblées en vue d’une exposition en Belgique.

Un « malentendu »

Pour les organisateurs qui ont installé au Musée de La Boverie, à Liège, « Les Mondes de Delvaux », il fallait donc, avant tout, convaincre le public de redécouvrir une œuvre trop souvent résumée à quelques images : des femmes nues au regard de somnambule dans des décors publics, des trams et des trains, des squelettes rappelant Ensor ou Bosch.

Les 150 œuvres rassemblées et regroupées par thèmes (le réalisme magique, l’archétype surréaliste, Eros, Thanatos, l’Antiquité rêvée, etc.) illustrent à la fois l’étonnante diversité de la production de Delvaux et la difficulté de voir seulement en lui ce « surréaliste » que, depuis Paris, André Breton et ses complices considéraient comme l’un des leurs mais qui suscitait l’agacement, à Bruxelles, où le poète et collagiste Marcel Mariën (1920-1993) lui taillait d’ailleurs un vilain costume en 1947. L’accusant d’exploiter « malhonnêtement » les découvertes des surréalistes, Mariën dénonçait « la stupidité de confection de ses panneaux décoratifs », voire « l’inénarrable dégénérescence mentale » de son confrère.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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