Les cuissardes remontent en estime

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« Jusqu’en haut des cuisses/Elle est bottée/Et c’est comme un calice/A sa beauté », chante Serge Gainsbourg en 1968 dans Initials B.B., tube légendaire en hommage à Brigitte Bardot. Avant d’écrire cette déclaration d’amour, « l’homme à la tête de chou » a-t-il regardé « Le show Bardot » ? Une émission de cinquante minutes en couleurs diffusée un soir de décembre 1967, au cours de laquelle la star chante ses plus grands morceaux. Quand vient le tour de Harley Davidson, par ailleurs écrite par Serge Gainsbourg, c’est une B.B. vêtue d’une mini-robe tabac et chaussée de cuissardes en cuir noir à petits talons qui assure le spectacle.

A l’époque, la France est en pleine révolution sexuelle. Accessoire de mode emblématique des sixties, les cuissardes deviennent le symbole de la libération des corps et des mœurs. Parmi ceux qui gansent ainsi les jambes des femmes, le chausseur Roger Vivier se fait remarquer.

C’est lui qui a signé, quelques années plus tôt, les modèles en crocodile noir de la collection automne-hiver 1963 d’Yves Saint Laurent. C’est lui aussi qui, ce fameux 31 décembre, chausse B.B. pour son spectacle télévisé. Les amatrices de Space Age, elles, s’arrachent les modèles en vinyle de Paco Rabanne et Pierre Cardin, surtout depuis la sortie de Barbarella, de Roger Vadim (1968), qui a immortalisé Jane Fonda en aventurière chaussée de cuissardes blanches.

La cuissarde a pourtant longtemps été réservée aux hommes : soldats, chevaliers, nobles, gardes-chasse… Elle est alors portée pour protéger la jambe et les pantalons, usés par les frottements de la selle de cheval. On note bien sa présence chez quelques cavalières effrontées qui préfèrent monter à califourchon qu’en amazone, mais ce n’est qu’au XXsiècle qu’elle fait officiellement son entrée dans le vestiaire féminin.

Labellisée « mauvais genre »

Si cette botte, dont la particularité est de monter au-dessus du genou, voire très haut sur la cuisse, accompagne l’émancipation féminine, elle prend une tout autre dimension au tournant des années 1990. Taillée dans du latex, la paire de cuissardes de Julia Roberts dans Pretty Woman (Garry Marshall, 1990) convoque un imaginaire bien moins recommandable.

La voilà emblème des prostituées et des dominatrices, plébiscitée par les amateurs de fétichisme et, surtout, labellisée « mauvais genre ». Une ­réputation sulfureuse qui lui collera longtemps à la semelle, même si elle retrouve ses lettres de noblesse dès lors que les créateurs de mode s’en emparent, à l’instar de Karl Lagerfeld pour Chanel, en 2013.

Aujourd’hui, la cuissarde chausse celles qui veulent prendre de la hauteur et celles qui aiment s’amuser avec la mode. Comme Michelle Obama, lors de la tournée promotionnelle de ses Mémoires, en 2018, chaussée d’une paire de cuissardes à paillettes Balenciaga. « Maintenant, je suis libre de faire ce que je veux », avait annoncé l’ancienne première dame, libérée de toute obligation politique. Et visiblement ravie de ses bottes de sept lieues.

Cuissardes Glove, en cuir d’agneau Nappa, Lemaire, 980 €.
Cuissardes Eve, en cuir de veau, Chloé, 1 750 €.
Cuissardes Kate Botta Alta Loubijeans, en denim, Christian Louboutin, 1 995 €.
Cuissardes Loly Used, en cuir, Iro, 695 €.
Cuissardes Spherica, à plateau, en cuir et imitation cuir, Geox, 199,90 €.

Source du contenu: www.lemonde.fr

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