Chronique transports – Le transport de l’électricité, un enjeu géopolitique et stratégique

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Lundi 18 novembre, la société exploitant le tunnel sous la Manche prolongeait ses travaux suite à la rupture d’un de ses plus importants câbles électriques. En Ukraine, les drones russes lancés lundi 18 novembre visaient essentiellement des installations électriques. Comment et pourquoi le transport de l’électricité est-il stratégique ? Angélique Palle, experte internationale à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) à Paris, décrypte les enjeux du transport de l’électricité.    

RFI : Commençons avec une question de novice : par quel moyen transporte-t-on l’électricité (terre, mer, rail…) ? 

Angélique Palle : Principalement par des câbles terrestres, ce que l’on appelle les lignes électriques. Il y en a de plusieurs dimensions avec des puissances différentes selon les zones traversées. 

Ces lignes à haute ou moyenne tension, que l’on peut voir dans le paysage européen, existent-elles partout dans le monde ?   

Oui. Seulement, ces lignes ne sont pas installées de la même façon. Il y a des différences majeures entre, par exemple, l’Union européenne, le continent africain ou encore le réseau des États-Unis ou de la Russie.  

Quelles sont ces différences ? 

En Europe, le réseau est un réseau intégré. Il s’étend sur l’ensemble du continent. Il dépasse même les frontières de l’Union européenne puisqu’il englobe aussi bien les lignes de la France, de la Grèce, mais aussi de l’Ukraine. En Afrique ou aux USA, par exemple, chaque État ou région ou pays décide du calibre, du nombre et des lieux de ses lignes.  

Ce choix de réseau intégré a été fait pour des raisons économiques, c’est moins cher de faire groupé ?  

C’est surtout un choix stratégique et sécuritaire. Le marché européen étant unique, il était plus facile d’harmoniser la localisation, le transport et l’acheminement jusqu’au consommateur de l’électricité. Mais c’est vrai que la construction des lignes à haute tension coûte extrêmement cher. Dans les années 1990, l’Union européenne a appliqué son choix aux pays baltes par exemple, non sans difficultés ! 

Pour quelles raisons ? 

Parce qu’il a fallu les décrocher du réseau russe. La plaque russe est différente de la plaque européenne. C’est un peu technique, mais les ingénieurs ont dû travailler de longs mois afin de changer les calibres et les installations.

Lors des attaques de drones russes en Ukraine, on constate qu’ils visent les installations électriques, ces lignes de transport en font partie ? 

Évidemment ! Le but de la Russie est de toucher le cœur de l’économie et de la population ukrainienne. Or, avec l’hiver surtout, les gens sans électricité ne peuvent pas vivre. Il n’y aurait pas de chauffage, pas d’énergie pour les communications. Et puis n’oublions pas les usines d’armement qui sont des usines consommatrices de grandes quantités d’électricité.  

Vous évoquez l’importance stratégique de ces lignes à haute tension. Cette année, vous avez rédigé pour les armées, le ministère français de la Défense, un rapport sur les enjeux de l’avenir du transport de l’électricité. Quels sont ces enjeux ?  

Nous avons exposé les faiblesses de ce type de transport à l’aune du siècle à venir. L’une des vulnérabilités va concerner les catastrophes naturelles. C’est l’une des failles les plus importantes.

Les tremblements de terre ?  

Plutôt les tornades, les tempêtes, les coulées de boue, avec les effondrements de terrain. La seconde vulnérabilité est du côté du choix énergétique de l’Europe, à savoir les énergies renouvelables (éolien, hydraulique, solaire…)  

En quoi représentent-elles des faiblesses ? 

Là encore, c’est assez technique. Mais ce type d’électricité est une énergie qui ne se transporte pas ni ne se stocke de la même façon. Ce sont des énergies plus instables, elles se produisent par périodicité et non pas en continu. Il faut donc piloter et veiller à adapter ces instabilités au transport sur l’ensemble du réseau.  

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Source du contenu: www.rfi.fr

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