Le loup pourrait bientôt être moins protégé dans l’Union européenne, la Convention de Berne se penche, en cette semaine de début décembre, sur son statut. Il pourrait ainsi passer d’espèce « strictement protégée » à « protégée », car il représenterait un « réel danger » selon Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, contredite par des centaines d’ONG. Certains éleveurs, eux, essayent de vivre en harmonie avec les prédateurs.
De notre envoyé spécial à Chemillé-en-Anjou,
Dans la ferme des Blottières, à Chemillé-en-Anjou, dans le Maine-et-Loire, au nord-ouest de la France, Benoît Huntzinger met à l’ordre du jour une pratique ancestrale pour protéger son troupeau de brebis. Dans cette région où le loup revient petit à petit, c’est une ânesse qui protège ses 160 brebis, Castafiore, un baudet du Poitou. « Elle vit avec les brebis toute l’année dehors, observe le fermier. On l’a eue très très jeune, ce qui fait qu’il y a eu une sorte d’imprégnation. On nous dit qu’un âne ne doit jamais être seul, etc. En fait, elle, si, elle peut, parce qu’elle n’est pas toute seule, elle est en compagnie de ses copines ! »
Certains pourront s’étonner qu’une ânesse, plutôt qu’un chien de berger, défende le troupeau. Pourtant, les explications sont très simples : « Ce qu’il faut savoir, c’est qu’un cheval, un âne, un équidé, ils ont horreur des canidés — les chiens, les renards, les loups. Alors un cheval, quand il voit un danger, sa solution à lui, c’est la fuite. Un âne, c’est territorial. Quand il y a un danger, il va d’abord commencer par défendre son territoire, explique Benoît Huntzinger. Castafiore, son territoire, elle le partage avec nos brebis. Et nous, on l’a vu faire. Je peux vous dire que c’est efficace. »
Résultat, l’ânesse a la confiance des brebis : « C’est [Castafiore] la gardienne et les brebis le savent. Et quand il y a un danger, toutes les brebis se regroupent et se mettent derrière Castafiore par rapport au danger. Donc, elle va aller voir ce que c’est et elle va, s’il le faut, faire le nécessaire. Alors, on va dire : le jour où il y aura un loup, votre ânesse, elle ne fera pas long feu. Je ne sais pas si vous avez déjà vu un âne s’occuper d’un sanglier ou autre chose comme ça, ça peut être très très très violent ! »
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Une prédation qui a diminué de 90 %
Et les résultats sont là. Depuis son arrivée, la prédation a diminué de 90 %. « Moi, aujourd’hui, je suis un éleveur serein. J’ai un niveau de prédation tout à fait acceptable, témoigne le fermier. Il y a d’autres aspects qui sont très importants pour moi. L’avantage qu’a notre ânesse Castafiore, c’est qu’elle mange la même chose que les animaux qu’elle protège et ça, c’est extraordinaire. L’autre aspect, contrairement aux chiens de protection, il n’y a pas de risque pour les promeneurs et les cyclistes de se faire attaquer par notre ânesse. On a rarement vu un baudet du Poitou courir après un cycliste. Nous, ça nous permet d’avoir une cohabitation sereine entre les différents utilisateurs de la campagne et de notre espace sur la ferme. »
Mais Benoît Huntzinger le concède volontiers, il n’a rien inventé. Cette méthode a simplement été oubliée : « Il y a un siècle, quand le loup était encore plus massivement présent qu’aujourd’hui, il y avait un dicton breton qui disait : “Là où il y a des moutons, il faut qu’il y ait un âne.” En fait, c’est une technique qui est ancienne, qu’on essaie juste, nous, de remettre au goût du jour, peut-être de façon un peu modernisée. Et encore, c’est un euphémisme. » Avec l’appui de scientifiques du CNRS qui, grâce à cet éleveur, peuvent mettre à jour leurs données, pour réhabiliter plus largement cette technique à une époque où la protection du loup pourrait être revue à la baisse par l’Union européenne.
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