La mort de Martial Solal, pianiste de jazz français de renommée mondiale

Share

Roi l’improvisation, reconnu par ses pairs dans le monde entier, le pianiste de jazz français Martial Solal est mort de vieillesse à l’âge de 97 ans, jeudi 12 décembre « dans l’après-midi, dans un hôpital à Versailles dans les Yvelines », a annoncé, à l’Agence France-Presse (AFP), son fils Eric Solal.

Compositeur, arrangeur, chef d’orchestre, Martial Solal s’est révélé aussi à l’aise dans la relecture d’œuvres classiques que dans une confrontation avec la musique la plus contemporaine. On lui doit de nombreuses bandes originales de films, notamment celle du manifeste de la Nouvelle Vague, A bout de souffle du cinéaste français Jean-Luc Godard, et il a enregistré plus d’une centaine de disques, en solo, duo, trio ou encore en big band.

« Le piano, ça se travaille physiquement, avec des exercices, il y a une part de sport », déclarait en 2019, à l’AFP, ce passionné d’athlétisme et de courses hippiques. A plus de 90 ans, il continuait à jouer quotidiennement de son instrument « avec au moins deux à trois heures de travail par jour » et à donner une poignée de concerts par an, comme salle Gaveau à Paris en janvier 2019.

« Je suis content quand j’ai un concert parce que je me dis que je vais enfin entendre la musique que j’aime », confiait, quelques jours avant le récital, ce musicien doté d’un solide sens de l’humour. Il recevra d’ailleurs en 2021 le grand prix de l’Académie du jazz, qui récompense le meilleur disque de l’année, pour l’album Coming Yesterday : Live at Salle Gaveau 2019.

Lire le portrait (2019) : Article réservé à nos abonnés Jazz : Martial Solal, adieu solo Salle Gaveau

Recalé par le conservatoire d’Alger

Né le 23 août 1927 à Alger dans une famille juive, Martial Solal apprend les rudiments du piano avec sa mère, qui chante de l’opéra, avant de prendre ses premières leçons vers l’âge de six ans. L’enfant est jugé très prometteur mais déteste lire les partitions. Lorsqu’il passe l’examen d’entrée au conservatoire d’Alger, il rate complètement la partie solfège, à tel point qu’il est recalé.

Il décide alors de se consacrer au jazz, qu’il pratique auprès d’une célébrité locale, le saxophoniste Lucky Starway. « Ce qui me plaisait, c’était cette manière de prendre une mélodie, même sans intérêt, et de la modifier à sa guise. Ce fut une révélation », dira-t-il.

Débarquant à Paris en 1950, en plein hiver, il connaît des débuts difficiles avant d’être engagé dans un club de Pigalle. Sa notoriété grandit, il devient le pianiste attitré du Club Saint-Germain, véritable temple du jazz, et du Blue Note. Il accompagne tous les grands solistes de passage, de Dizzy Gillespie à Sonny Rollins en passant par Sidney Bechet.

L’amour de l’improvisation ne le lâche plus et son ambition est de faire évoluer le jazz. « Je n’écoutais jamais de disques, je ne voulais ressembler à personne, pas même à ceux que j’admirais », racontait-il dans son autobiographie Mon siècle de jazz, publiée en 2024.

Il reçoit son premier prix des mains de Jean Cocteau, participe à l’enregistrement du dernier disque du virtuose manouche Django Reinhardt, compose des œuvres maîtresses comme Suite en ré bémol pour quartette ou Suite pour une frise.

L’Amérique lui déroule le tapis rouge

En 1960, celui qui prend un temps le pseudo de Jo Jaguar aide son ami le saxophoniste Guy Lafitte à terminer une composition pour la maison Pathé-Marconi. C’est Twist à Saint-Tropez, premier gros tube de Dick Rivers avec les Chats Sauvages. « C’est comme si j’avais gagné au Loto », dira Martial Solal qui, grâce aux droits d’auteur, pourra passer les périodes de vaches maigres.

Considéré comme un « géant » par ses pairs, il est, aux yeux du critique Alain Gerber, « l’un des plus grands musiciens du monde, tous styles, tous genres et toutes cultures confondues ». « Il a complètement changé ma vision de la musique », confiait en 2016, à l’AFP, Jean-Michel Pilc, autre grand pianiste de jazz français.

Lire la critique (2020) : Article réservé à nos abonnés Jazz : l’œuvre écrite de Martial Solal à la Maison de la radio

Sa carrière le mène partout dans le monde. En 1963, il est invité, outre-Atlantique, à jouer au festival de Newport, consécration pour un musicien de jazz. L’Amérique lui déroule le tapis rouge, les clubs new-yorkais le veulent, mais lui préfère, après cinq mois aux Etats-Unis, rejoindre la France et sa famille.

Il revient au grand orchestre en 1982 et en 2006, avec son Dodecaband, puis son Newdecaband. Lauréat de nombreux prix, Martial Solal reçoit en 1999, consécration suprême, le Jazzpar Prize, considéré comme le Nobel du jazz.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu

Source du contenu: www.lemonde.fr

Dernières nouvelles

Dernières nouvelles