Reportage France – Le crack à Paris: on évacue, mais après?

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Ils sont ceux que l’on ne veut pas voir, qui mettent mal à l’aise. Ceux que l’on chasse et déplace depuis trente ans en France, dans le triangle nord-est parisien, à coup d’opérations policières médiatisées. Des centaines de toxicomanes qui vivent dans une grande précarité et consomment dans l’espace public. Pour les riverains, c’est un enfer. Les évacuations successives ne font que déplacer le problème.

C’est une journée froide avec un soleil pâle. Aya Soro a tenu sa promesse. Membre du collectif Rosa Craque, elle nous emmène sur le chemin du crack dans le nord parisien. « Nous allons remonter le boulevard Macdonald jusqu’à la porte de la Villette, des endroits où se regroupent les usagers de drogues. » À l’approche d’un arrêt de tram, elle désigne une personne : « Les gens sont tranquillement à l’arrêt du tram et vous voyez bien, il passe les importuner. Il va passer demander de l’argent. Et puis c’est une personne qui a besoin d’aide et qui ne peut pas vivre à la rue. »

Depuis le démantèlement du campement du square Forceval dans le 19ᵉ arrondissement, en 2022, les 400 toxicomanes qui s’y étaient installés sont revenus par groupes dans le quartier Rosa Parks, toujours situé dans le nord de Paris. En voilà quelques-uns dans une petite rue. L’approche est difficile, entre méfiance et agressivité. Visage osseux, les doigts jaunis et les ongles noircis, Ali accepte de témoigner : « Cette addiction, c’est la plus sournoise que j’ai jamais connue. Et comme c’est de la cocaïne, forcément, ça a tendance à pousser un peu le cerveau. »

Aya Soro, du collectif Rosa Craque, nous présente un habitant du quartier : « On a des blessures qui sont infectées avec le pied qui a doublé de volume. Ça sent la pourriture. Ils sont, des fois, tout nus dans les métros. On voit des fesses qui sont pleines d’excréments. Franchement, on n’a pas envie de voir tout ça… »

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« Je ne me sens pas en sécurité »

« Ce sont des gens qui circulent ici, ajoute Aya Soro. Et surtout que le crack, c’est une drogue qui met les gens dans un état second. Ils sont très agressifs. Il y a eu beaucoup d’agressions dans le quartier. Moi, quand je dois aller dans le parking pour aller chercher la voiture, j’ai peur. Quand je sors la nuit, je ne me sens pas en sécurité. Je regarde derrière moi. C’est vrai que ça a créé un climat de peur. »

L’État et la mairie de Paris tirent pourtant un bilan positif de la deuxième phase du plan crack, avec, par exemple, un renforcement de la présence des policiers. Insuffisant, pour Aya Soro. « On les voit aux heures de sortie d’école de nos enfants, on les voit devant les écoles. Mais le problème, c’est que ce n’est pas quelques heures dans la journée, ni sur quelques endroits, dénonce-t-elle. C’est dans tout le quartier et tout le temps. »


À écouter dans Le débat du jourPeut-on réguler le marché de la drogue ?

« C’est la misère humaine, c’est la misère sociale, c’est un suicide collectif »

La jeune femme nous quitte devant la Halte « Soins addictions », porte de la Chapelle, ouverte désormais sept jours sur sept et qui reçoit en moyenne 200 consommateurs par jour. Des toxicomanes sont agglutinés devant l’entrée. Les paupières et les jambes tremblent. Jean-Loup était agressif. Puis, il s’est calmé. « C’est la misère humaine, c’est la misère sociale, c’est un suicide collectif », déclare-t-il.

Des avancées se sont fait sentir également, avec des places d’hébergement supplémentaires. Sous l’épuisement, le beau regard bleu résiste. Tom, 43 ans, a bénéficié d’un hébergement. « Moi, j’ai eu cette chance-là et ça me fait mal au cœur parce que tout le monde n’a pas cette chance-là, regrette-t-il. Et moi, il a fallu qu’on me prenne par la main quand même. Sans ça, moi, ça n’aurait pas été possible. Maintenant, je ne veux plus être à la rue. Et ça, ça a été un électrochoc en fait. »

Il n’empêche que, malgré les efforts, les structures d’accueil continuent de manquer dans la capitale.

À écouter dans Témoins d’actuFrance: quelles solutions pour les consommateurs de crack?

 

Source du contenu: www.rfi.fr

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