Etats-Unis : le danger d’une présidence impériale

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S’il faut résumer l’offensive tous azimuts lancée par Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche, le 20 janvier, la tactique militaire Shock and Awe (« choc et effroi ») paraît particulièrement adaptée. Il s’agit en effet pour le républicain de saturer l’espace politique et médiatique en multipliant les annonces pour imposer sa domination.

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Cette tactique n’a, en soi, rien de répréhensible. Après tout, un président élu de manière indiscutable, même s’il ne s’agit en aucune manière du triomphe historique revendiqué, applique le programme sur lequel il a été élu. Il ne saurait être question, à ce stade, de coup de force institutionnel.

Que le pouvoir judiciaire, en l’espèce des juges fédéraux, s’oppose aux dispositions les plus radicales de Donald Trump en bloquant l’application de ses décrets exécutifs relève d’ailleurs de la pratique des institutions américaines. Si ce face-à-face, illustration des « checks and balances » (l’équilibre des pouvoirs) prévus par la Constitution des Etats-Unis, est dramatisé, c’est en grande partie du fait de l’automutilation du pouvoir législatif, en l’occurrence le Congrès, que domine le Parti républicain, quand bien même sa majorité à la Chambre des représentants est d’une étroitesse pour le coup réellement historique.

Abdiquer plutôt que risquer de déplaire

Comme l’illustre la passivité des sénateurs conservateurs face aux nominations les plus controversées de Donald Trump qu’ils doivent confirmer par leurs votes, le vaccino-sceptique Robert Kennedy à la santé, l’inconsistante Tulsi Gabbard à la direction du renseignement national et l’affidé Kash Patel à la tête de la police fédérale, le Grand Old Party a oublié que le premier article de la Constitution est consacré au pouvoir législatif avant tout autre. Par servilité et bassesse, il préfère abdiquer plutôt que risquer de déplaire.

La sidération qui a saisi une partie des Etats-Unis est autant le produit du feu roulant de décrets que les raids lancés contre des pans entiers de l’Etat fédéral au nom de la lutte contre la gabegie par un homme sans mandat populaire, Elon Musk, énième incarnation de l’entrepreneur démiurge. Le milliardaire, qui semble avoir dissous la notion de conflit d’intérêts, déjà plongée par Donald Trump dans un bain d’acide, n’a de compte à rendre à personne d’autre que ce dernier. Œuvrant dans une parfaite opacité au mépris de tous les protocoles, il s’appuie sur une escouade de très jeunes experts en informatique partageant l’adulation de leur employeur autant que l’ignorance des rouages d’un Etat, comme celle de ses missions.

Ce qui inquiète, c’est la stratégie que masque la tactique. Le rapport de force imposé par le républicain a en effet pour objectif de redessiner l’architecture des institutions américaines au bénéfice unique d’une présidence impériale. Tout va dépendre de l’issue de la confrontation entre Donald Trump et les juges, que le vice-président, J. D. Vance, invite déjà à traiter par le mépris. Hélas, la majorité conservatrice de la plus haute instance judiciaire des Etats-Unis, la Cour suprême, qui a fait en sorte, avant l’élection de 2024, que Donald Trump, poursuivi dans de multiples affaires, reste au-dessus des lois, n’apparaît pas comme le plus sûr des remparts.

Il faut pourtant souhaiter que les « checks and balances » tiennent dans cette tourmente. Il y va de la bonne santé démocratique du pays comme de l’image qu’il a longtemps voulu donner de lui-même.

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Le Monde

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