Plusieurs fois envisagée et finalement reportée, l’interdiction d’exporter des grumes de bois d’Afrique centrale est maintenant fixée à 2028. Un objectif, censé laisser aux membres de la Cemac le temps de s’adapter et de trouver des alternatives financières.
Les États d’Afrique centrale ont jusqu’au 1er janvier 2028 pour interdire « de façon absolue » l’exportation de bois non transformé, selon le texte officiel signé par le président du Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale l’UEAC, fin février à Bangui. Dès l’année prochaine, ils sont cependant priés de prendre les dispositions nécessaires pour atteindre progressivement l’objectif. « Un objectif lointain, mais qui vaut toujours mieux qu’un report sine die » résume un expert, qui rappelle qu’avant cette dernière annonce, la mesure n’était même plus à l’agenda des pays.
Un défi financier pour la plupart des pays
L’échéance de 2028 ne changera rien, ou presque, pour le Gabon, qui est le pionnier du Bassin du Congo et n’exporte plus de grumes non transformées depuis plus de dix ans. Pour le Cameroun, le Tchad, la République centrafricaine ou encore la Guinée Équatoriale, le calendrier fixé est en revanche toujours un défi. À titre d’exemple, malgré les progrès réalisés, le Cameroun a encore exporté en 2022, 850 000 m3 de grumes. Même au Congo-Brazzaville où l’interdiction est en œuvre depuis le 1er janvier 2023, l’exportation continue, via l’octroi de quotas de grumes à des sociétés asiatiques, qui représentent des centaines de milliers de m3, selon Alain Karsenty expert de la filière bois au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Si ces pays n’ont pas réussi à suivre la voie du Gabon, c’est en grande partie en raison des « risques financiers » que l’interdiction d’exporter du bois brut fait peser sur les économies des États, explique la Cemac.
Accompagner les États pour atténuer les pertes
Ne plus exporter de grumes veut dire pour un pays se priver des taxes. Les bois tropicaux camerounais, pour ne citer que ceux-là, sont imposés à 75% – sur la base d’une valeur marchande, fixée par les autorités, rarement réévaluée, donc déconnectée du marché et qui varie pour chaque essence. D’où la promotion par l’organisation d’une interdiction progressive pour atténuer « les pertes de ces recettes fiscales » et permettre aux économies « d’absorber le choc ».
Le Gabon peut témoigner de ce « choc » : lorsque l’interdiction a été appliquée dans le pays, ses recettes fiscales ont chuté de 80% soit une perte de 75 milliards de FCFA selon la Cemac. « C’est pour cela qu’accepter de s’en priver est plus facile pour les États qui ont d’autres ressources, comme le pétrole, que pour ceux qui n’en ont pas », explique Alain Karsenty.
Une demande vietnamienne spécifique
Parmi les autres freins, il y a le manque de capacités industrielles ou le manque d’énergie pour les faire tourner. Et quand les infrastructures existent, elles ne fonctionnent parfois qu’à peine parce qu’il reste plus intéressant pour leur propriétaire d’exporter des grumes. Transformer, c’est parfois prendre le risque de perdre un marché, explique l’expert du Cirad. C’est le cas par exemple du tali, un bois que les Vietnamiens achètent parce qu’il est vendu en grumes.
Les freins actuels se traduisent en chiffres : le Bassin du Congo représente 20% des exportations mondiales de grumes tropicales, mais seulement 6% de celles des sciages pour les mêmes bois et 1% du commerce de contreplaqués tropicaux, c’est-à-dire de bois ayant subi plusieurs transformations, selon les données de la Cemac.
Pour ne rien arranger au tableau, la volonté des États de transformer pour créer de la valeur ajoutée et des emplois se heurte aujourd’hui à un marché chinois en berne, doublé d’une baisse de la demande indienne et européenne.
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