Ce qu’il y a de surprenant dans l’art de Pier Paolo Calzolari, né à Bologne en 1943, figure de l’arte povera – mouvement théorisé en 1967 par le critique Germano Celant (1940-2020) –, c’est le contraste entre la complexité des textes qui lui sont consacrés depuis des décennies et la simplicité avec laquelle l’artiste décrit son travail.
On en veut pour preuve la vidéo qui accompagne l’exposition organisée par la Villa Paloma, à Monaco : interviewé par l’historien d’art Didier Semin, Calzolari explique l’origine de certaines de ses œuvres. Celles qui utilisent des moteurs de réfrigérateur pour produire du givre sur des tableaux ou des sculptures, par exemple : à ses débuts comme peintre, et malgré une formation des plus classiques, il constata que, quelles que soient les techniques employées, huile ou acrylique, le rendu pictural de la lumière frappant la pierre, la pietra del Carso, particulièrement blanche, de la Riva degli Schiavoni, à Venise, où il a grandi, était insatisfaisant. « Je voulais l’idée du blanc absolu (…) et je l’ai trouvé dans le givre du frigo. » Puisqu’on ne peut pas le reproduire, pourquoi ne pas le produire, tout simplement ?
Même franchise désarmante pour cette installation, un petit cochon mécanique rose qui se trémousse, coincé dans une porte entrouverte : il l’a acheté dans une station-service qui, outre de l’essence, proposait des jouets pour les enfants, et, de retour chez lui, l’a offert à son épouse. Le couple, pourtant plus qu’adulte, s’est amusé un moment avec l’objet puis est allé se coucher en oubliant de l’éteindre, le laissant gambader dans la pièce. Le lendemain, ils ont trouvé la petite peluche rose qui essayait frénétiquement de passer une porte entrebâillée. « Une histoire tragique ! », dit-il. N’importe qui se serait contenté de la désactiver en pestant contre l’usure prématurée des batteries ; lui, charmé par la chose, a préféré la reproduire.
« Géographe magnifique »
C’est là une des caractéristiques de l’arte povera : tout peut être utilisé, récupéré, recombiné pour créer des objets étranges ou surprenants. Chez Calzolari, on trouve des feuilles de tabac séchées, du plomb, des bois calcinés, des néons ou des bougies allumées, des pétales de fleurs (d’arbres de Judée) sont combinés à du cuivre et à du bronze doré… Deux pièces monumentales, Tolomeo [Ptolémée], de 1989, et Senza titolo [Luna], réalisée dix ans plus tôt, réunies dans une même salle par un accrochage inspiré, conjuguent ainsi des éléments fort disparates.
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