Après Vertige (2001-2021), étourdissant spectacle écrit et mis en scène en 2021 pour des élèves de l’école du Théâtre du Nord à Lille, Guillaume Vincent récidive en dirigeant, cette fois, six acteurs issus de la promotion 11 de l’école du Théâtre national de Bretagne. Trois femmes, trois hommes qu’il précipite dans une jeunesse qui se confond avec la sienne. L’artiste situe l’action là où il passait ses vacances d’été. Direction Aigues-Mortes, dans le Gard, à l’ombre des murs fortifiés de la tour de Constance, un phare transformé en prison des protestants après la révocation de l’édit de Nantes. Parmi les reclus, Marie Durand (1711-1776), enfermée pendant trente-huit ans, dont la figure évoquée en filigrane va peu à peu se superposer à celle d’un des personnages de la fiction : Bonnie, jeune femme que quitte Martin au moment même où elle lui dit enfin qu’elle l’aime.
C’est sur cette rupture (une séquence plusieurs fois répétée) que s’ouvre une représentation qui ne cesse de procéder par circonvolutions en forant jusqu’à l’os les émotions des protagonistes. D’où l’impression d’un texte stationnaire, de paroles qui font du surplace, de motifs qui s’engluent dans leurs propres redites.
Guillaume Vincent voulait, au départ, intituler sa pièce « Confusion ». Le fait est qu’elle a des airs de serpent de mer. Confusion des sentiments, des identités, des désirs, des sens ou des temporalités. Confusion des corps qui se cherchent, se défient, s’enlacent et se désenlacent. Confusion des lieux qui s’amalgament en un unique espace.
Sensualité des interprètes
Le spectacle se déploie sur la scène exiguë de la petite salle de l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet, à Paris. Quelques mètres carrés, de lourds rideaux d’un bleu layette, des chaises roses, au sol, les motifs géométriques de la moquette de l’hôtel où se tient l’histoire. De la plonge au ménage, les jeunes travaillent dans les coulisses. Ils sont employés, pas en villégiature. Quant au décor, il n’évoluera pas. Ce sont les voix et la sensualité des interprètes enveloppés de lumières dorées et de musiques douces (au premier rang desquelles des chansons de Barbara), qui lui donnent son relief.
Assis en ligne droite, ils attendent l’entrée du public. Se trouver ainsi exposés, en gros plan, face aux regards inquisiteurs d’un public à qui rien n’échappe : l’exercice (dont ils se sortent haut la main) peut se révéler périlleux. Si la direction d’acteur est d’une délicatesse remarquable, les performances des comédiens en distinguent pourtant certains plus que d’autres. Impossible de ne pas relever la présence d’Alison Dechamps dans le rôle de Bonnie. Le dessin de son jeu est d’une netteté exceptionnelle, sa façon de coordonner paroles et mouvements d’une absolue modernité.
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