A l’Odéon-Théâtre de l’Europe, « Parallax » passe les doutes identitaires à la hache

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La parallaxe est un effet recherché en astronomie ou en optique qui permet, en changeant d’angle de vue, de modifier sa perception d’une même réalité. A l’Odéon-Théâtre de l’Europe à Paris, le e final a disparu du titre d’un spectacle qui tente, à marche forcée, de créer la parallaxe. Dans la ligne de mire du texte de Kata Wéber mis en scène par le Hongrois Kornél Mundruczo, une question : peut-on, doit-on et faut-il assumer son identité ?

Ce dilemme, dont la résolution dépend de l’intime ou du politique, hante trois générations. Il se déplace ici au fil d’une pièce qui bascule de l’histoire d’une grand-mère juive rescapée des camps de concentration à celle de son petit-fils homosexuel. Eva refuse qu’on dise d’elle qu’elle est juive. Jonas n’accepte pas qu’on le qualifie de « pédé » même s’il couche avec des hommes. Entre les deux oscille Lena, fille d’Eva et mère de Jonas. Lena, qui assume tout mais ne décide de rien, sa mère l’empêchant de revendiquer qu’elle est juive, son fils lui rétorquant que ce sujet ne le concerne pas.

Trois générations avancent ainsi sur l’échiquier d’une pensée qui évolue en fonction des époques et des individualités. Trois pions alignés sur la ligne de départ d’une dialectique réduite à une sorte d’essentiel. Thèse, antithèse, synthèse : les trois héros en jeu sont au service d’une démonstration dont les rouages, d’une complexité abyssale, sont hachés par le souci d’efficacité et un manque de nuances. Le problème que pose au public Parallax n’est pas son postulat (le parallèle entre une grand-mère juive et son petit-fils homosexuel mérite d’être envisagé), mais son traitement elliptique.

Positions irréconciliables

Kornél Mundruczo, cinéaste hongrois confirmé, est un homme de théâtre peu connu d’un public français qui aurait raté ses deux seules apparitions au Festival d’Avignon. La première (Disgrâce, d’après le roman de J. M. Coetzee) a eu lieu en 2012. La seconde (Une femme en pièces) date de 2021. « Choc ou pas choc ? », s’interrogeait alors la critique du Monde. Trois ans plus tard, le doute revient en boomerang face à une représentation plus appliquée qu’inspirée même s’il faut lui reconnaître qu’elle n’a pas froid aux yeux.

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Travaillé au corps par le cinéma avec une séquence inaugurale filmée et restituée sur deux grands écrans latéraux, le spectacle étire le fil de son argumentaire. En préambule, l’opposition entre Eva et Lena, leurs positions irréconciliables s’exprimant dans la séparation visuelle de leurs visages filmés en gros plan. Puis surgit un intermède sous la forme d’un déluge d’eau qui submerge l’appartement d’Eva et arrose (ou purifie) Lena. Quelques années plus tard, dans ce même appartement, Jonas, venu assister aux funérailles de sa grand-mère, invite des hommes pour une partie de jambes en l’air.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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