A l’Opéra de Paris, les paysages instables d’Ohad Naharin

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Rien moins que cinq ministres de la culture étaient présents, mercredi 7 février, pour la première de Sadeh21, du chorégraphe israélien Ohad Naharin, à l’affiche du Palais Garnier, à Paris. Jack Lang, Renaud Donnedieu de Vabres, Roselyne Bachelot, Rima Abdul Malak ont été rejoints, avec un peu de retard, par Rachida Dati, qui venait pour la première fois assister à une représentation du Ballet de l’Opéra national de Paris. Malheureusement, ni Naharin ni les danseurs ne sont venus saluer le public à l’issue du spectacle, qui s’est conclu par un long générique filmé de remerciements et le mot « fin » sur un écran gris.

Lire la critique (2000) : Article réservé à nos abonnés Les clichés d’Ohad Naharin, le flamboiement des corps de Mats Ek

Ce point final, aussi raide que déstabilisant, par ailleurs assez raccord avec l’univers secoué du chorégraphe, n’a pas empêché une levée d’applaudissements. Il souligne curieusement la gravité qui auréole cette pièce en dépit de son vestiaire maillots de bain et shorts multicolores. Somptueux dans son inventivité gestuelle et son urgence à fleur de peau, ses retournements physiques et émotionnels, Sadeh21 a été créé en 2011 pour la Batsheva Dance Company, basée à Tel-Aviv et dirigée depuis 1990 par Naharin. Après Perpetuum, en 2000, puis Decadance, en 2018, c’est la troisième œuvre de l’artiste à intégrer le répertoire de l’Opéra national de Paris.

En hébreu, Sadeh signifie « champ » et superpose l’agriculture et la culture, autrement dit les céréales d’un côté et, de l’autre, en mode plus abstrait, l’étude ou l’exploration de la seconde. Ils sont vingt-trois interprètes qui déroulent les vingt et un chapitres, comme le titre l’indique, d’un ruban de paysages instables aux reliefs tantôt abrupts et cassants, tantôt ondulants et souples. En solo, duos beaucoup, régulièrement ramassés dans un front commun, ils entrent et sortent, marchent et courent, criblant la scène de rafales de gestes ciselés aux humeurs paradoxales. La bande-son entêtante composée d’atmosphères variées (Gavin Bryars, Angelo Badalamenti…) a été conçue par Maxim Waratt (en réalité Ohad Naharin) et entretient cette pulsation viscérale, sensuelle, typique du chorégraphe.

Un enthousiasme émouvant

Le rythme, sa précision articulaire sont primordiales pour l’explosivité – un terme qu’il emploie souvent avec celui de « délicatesse » – du style Naharin. Si Sadeh21 a d’abord été transmis par une équipe de cinq collaborateurs proches qui se sont relayés dès le début des répétitions le 20 décembre 2023, le chorégraphe est lui-même venu travailler avec la troupe parisienne dix jours seulement avant la première. « Dans le contexte actuel, je réduis mes absences », explique-t-il. Sa femme, la danseuse et créatrice de costumes Eri Nakamura, qui a interprété Sadeh21, et avec laquelle il a une fille, Noga, 14 ans, l’a accompagné pour les ultimes réglages.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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