Au Festival de Cannes, la rencontre fragmentée de Kirill Serebrennikov avec Edouard Limonov

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SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION

Les deux hommes se sont croisés à plusieurs reprises mais ne se sont jamais parlé. La rencontre vient seulement de se produire. Il a fallu un livre, pour que Kirill Serebrennikov dialogue enfin avec Edouard Veniaminovitch Savenko (1943-2020), dit Edouard Limonov. Le fruit de cet échange : Limonov, la ballade, dernier long-métrage en date du cinéaste russe qui concourt pour la Palme d’or. Comme il y a deux ans, La Femme de Tchaïkovski (2022), un film librement inspiré de la vie de l’épouse du compositeur.

Lire le portrait (en 2022) : Article réservé à nos abonnés Kirill Serebrennikov, les zones d’ombre d’un créateur russe en pleine lumière

A l’inverse, Limonov, la ballade prétend à la fidélité du roman dont il est l’adaptation, le Limonov, d’Emmanuel Carrère (P.O.L, 2011) qui reçut le prix Renaudot et un accueil retentissant, tant de la critique que des lecteurs. L’écrivain, s’il n’a pas participé à l’écriture du scénario – coécrit par Serebrennikov, Pawel Pawlikowski et Ben Hopkins –, fait une apparition dans le film, lors d’une courte scène où, jouant son propre rôle, il se fait salement éconduire par Limonov. Héros de son livre. Héros tout court.

L’écrivain russe, qui précisément se vit en héros de roman, est parfaitement en droit d’en revendiquer le titre. Poète, mercenaire, SDF, domestique, voyou révolutionnaire frayant en bohème auprès des bourgeois, aventurier sans morale ni limite, collaborateur dans des journaux communistes et d’extrême droite, citoyen révulsé autant qu’attiré par le pouvoir, fustigeant la Russie, s’exilant puis y revenant avec le rêve d’un retour de l’Union soviétique, fondant alors, au milieu des années 1990, le Parti national-bolchevique.

Lire le récit (en 2011) : Les deux faces d’Edouard Limonov

La vie de Limonov, sa personnalité complexe pourraient donner matière à plusieurs films et romans. Limonov, la ballade, hélas, tend à la simplifier un peu trop, qui élude certains pans de l’histoire de l’écrivain, au profit d’autres moins passionnants. Et surtout contourne ses prises de position les plus embarrassantes.

Rebelle et figure rock

Après un court passage qui montre Limonov (Ben Whishaw) à Kharkov, en Ukraine, dans ses toutes jeunes années, étouffant dans une existence trop étroite (soulignée par un format carré que les encadrures de porte réduisent un peu plus encore), s’ouvre le premier long épisode de l’exil. En 1977, Limonov est à New York dans les rues de laquelle il déambule, démarche à la Mick Jagger, au milieu des détritus, des rats, des ouvriers harassés, des sans-abri. Au milieu de « toute cette merde » paraît lors d’une soirée mondaine, Elena (Viktoria Miroshnichenko), mannequin magnifique avec laquelle il engage une relation passionnée, destructrice, sorte de descente aux enfers dans le sexe et l’alcool.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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