Aux Césars, l’irruption du réel derrière la magie du cinéma

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Vendredi 28 février 2020. L’image reste gravée. Adèle Haenel et Céline Sciamma quittant la cérémonie des Césars au cri de : « La honte ! C’est la honte ! » L’objet de leur colère ? Au palmarès ne figurent, cette année-là, que des hommes dont, pour le César de la meilleure réalisation, un Roman Polanski mis en cause pour viol sur mineures, et qui, trois ans plus tôt déjà, face à la bronca des militantes féministes, avait dû refuser la place de président de la cérémonie.

Ce vendredi 23 février, c’est cette fois l’onde de choc provoquée par les plaintes déposées contre Gérard Depardieu, et, le 6 février, par celles déposées par Judith Godrèche contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour « viols avec violences sur mineure de moins de 15 ans », qui fait planer l’ombre des tempêtes sur l’Olympia, à Paris, où se tiennent les 49es Césars. Et devant lequel, un rassemblement contre les violences sexuelles et sexistes, lancé par la CGT-Spectacle, est d’ores et déjà prévu dès 19 heures.

Salvateur pour les uns – célébrant le premier coup de boutoir porté à un establishment jugé autocratique et dépassé –, sacrilège pour les autres qui y voyaient un crachat sur la maison commune, le fameux « on se casse » anarchiste et furieux d’Adèle Haenel semblait, il y a quatre ans, sonner le glas d’un événement qui, depuis 1975, célèbre la magie du 7e art dans un mélange d’ironie bon enfant, d’entre-soi people et de marketing publicitaire. Le bateau tanguait déjà. Quelques semaines auparavant, après qu’une tribune dans Le Monde eut réclamé plus de démocratie au sein de l’Académie des César, le président, le producteur Alain Terzian, et son équipe ne s’étaient-ils pas résolus à annoncer leur démission, « pour que la fête du cinéma reste une fête » ?

Mais la fête n’avait plus le même goût. L’irruption du réel avait désormais la bride sur le cou. En 2021, Jean-Pascal Zadi, recevant son César du meilleur espoir masculin pour Tout simplement noir, y dénonce, citant Frantz Fanon, le scandale du chlordécone ; en 2022, Corinne Masiero se présente, sans crier gare, à moitié nue avec des tampons hygiéniques en guise de boucles d’oreilles ; en 2023, Canal+ coupe la retransmission pendant qu’on évacue une militante pour le climat… Le Figaro titre : « César, dernière chance de survie ». Les audiences plongent. Certains se demandent si la chaîne ne va pas jeter l’éponge.

« Un parfum de renaissance »

Aujourd’hui, le réalisateur Alain Guiraudie résume assez simplement, de son accent chantant, l’état des lieux : « Les Césars, je m’en contrefous, je ne paie même plus ma cotisation. Je m’y suis intéressé quand j’ai été nommé [huit fois en 2014 pour L’Inconnu du lac] et ça m’a bien fait chier. »

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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