Vous souvenez-vous de ce monologue culte de Valérie Benguigui dans le film Le Prénom (2012), d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte ? De ces quatre minutes durant lesquelles Babou – son personnage d’épouse et de mère qui n’en peut plus d’être invisible aux yeux des autres – craque et balance ses quatre vérités à son mari et à ses proches ? C’est à cette actrice (décédée en 2013) que fait immanquablement penser Marion Mezadorian. Au-delà d’une certaine ressemblance physique, cette comédienne et humoriste dégage, dans son nouveau spectacle Craquage, la même puissance de jeu, la même générosité sans artifice. La comparaison fait rougir cette artiste solaire et chaleureuse.
A 37 ans, Marion Mezadorian s’installe avec force dans le paysage humoristique. Le succès qu’elle a rencontré durant l’été dans le « off » d’Avignon ne devrait que se confirmer à Paris puis en tournée à travers la France. Les quinze personnages qu’elle campe à merveille, et qui ont pour point commun de libérer une parole longtemps tue, déclenchent un rire viscéral. Qu’il s’agisse d’une mère débordée, d’une femme mal aimée, d’une retraitée revancharde, d’une jeune femme abusée pendant son enfance, d’un cuistot amoureux transi, etc., tous renoncent enfin à leur peur ou leur pudeur mal placée, se délestent de non-dits étouffants et sont bluffants de vérité.
Arrêter de se mentir
Ces pétages de plombs racontés avec justesse, ces tranches de vie, s’apparentent à des scènes de film. Les dialogues fusent, l’émotion et le rire vont crescendo. Ses personnages se confient avant les regrets, avant les oublis, pour arrêter de se mentir, pour en finir avec un sentiment de honte injustifié, pour aller mieux, pour exister vraiment. « L’idée de ce spectacle est née après une dispute avec ma mère alors que je venais d’avoir un enfant, se souvient-elle. J’ai eu envie de personnages qui craquent, qui arrêtent de garder pour eux ce qu’ils pensent. J’ai d’abord travaillé sur des thématiques puis j’ai distribué mes dossards, imaginé pourquoi surgit le moment où on ose dire ce qu’on a toujours gardé pour soi », explique l’humoriste, attablée au Café de l’industrie, à Paris, son « refuge », où elle a écrit l’essentiel de son spectacle.
Marion Mezadorian a grandi à Saint-Cannat, petit village près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), entre une mère femme de ménage d’origine italienne et un père d’origine arménienne, vendeur de fruits et légumes sur les marchés – « un vrai acteur sur son stand, un sketch ambulant ! » – et avec le rêve précoce, mais longtemps dissimulé, de faire du théâtre. « Les spectacles d’Elie Kakou, pour l’incarnation de ses personnages, et de Gad Elmaleh pour la fluidité de son jeu, ont déterminé ma vie, résume-t-elle. De 10 à 18 ans, j’ai dévoré leurs shows sur des cassettes VHS et j’adorais voir trois générations de ma famille dans le salon rire des mêmes sketchs. »
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