Avec « L’Empire », Bruno Dumont signe une « science-friction » sur la Côte d’Opale

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L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

Après France (2021), incursion dans le monde des médias et son iconographie sacrée, Bruno Dumont poursuit son voyage dans les imaginaires de masse en s’attaquant au space opera, de la saga Star Wars à 2001 : l’Odyssée de l’espace. A l’annonce de la naissance du Margat, enfant des Ténèbres né de l’union d’un couple d’humains, les forces intergalactiques du Bien et du Mal se donnent rendez-vous dans le Nord, sur la Côte d’Opale, pour s’affronter. Sur Terre, deux clans se toisent : Jane et Rudy, guerriers des forces du Bien et disciples de la Reine (Camille Cottin). Côté Mal, Line et Jony, missionnés par Belzébuth (Fabrice Luchini), gesticulant à bord de son vaisseau cathédrale.

Lire l’entretien (2018) : Article réservé à nos abonnés Camille Cottin : « Il est encore possible de rire de tout »

Qu’un cinéaste s’engouffre dans un genre qui n’est pas le sien, ni celui de son pays, ne fait que confirmer une règle : il ne fait qu’être lui-même, ressassant les mêmes obsessions, cueillant les mêmes beautés. On trouvera dans L’Empire très peu de traces de la parodie déjantée que semble vendre son affiche : Dumont y est Dumont, la science-fiction n’est là que pour amplifier les propriétés de son cinéma, qui organise depuis toujours le grand carambolage de forces contraires – la fiction comme friction.

Acteurs professionnels et acteurs non professionnels se donnant la réplique, s’étreignant parfois, machinerie du tournage et amour des accidents, effets spéciaux et naturalisme. L’Empire, ce serait aussi la rencontre de deux écoles, comme si le film obéissait à une règle : un plan pour les frères Lumière (miracle de l’enregistrement du réel), un autre pour Méliès (le cinéma comme artifice pur).

Beauté hybride

C’est précisément le fracas de cette union qui donne au film son étrange beauté hybride, mêlant profane et sacré : un sabre laser qui frôle le visage à peine maquillé d’une actrice, un ballet de vaisseaux spatiaux en plein jour, des dialogues sortis tout droit de Star Wars mais récités au milieu de pavillons, un visage d’une jeune star léchant celui d’un inconnu.

Le plaisir, ici, est celui d’un mythe culturel ainsi profané et malaxé par une poignée d’acteurs retombés en enfance : les inoubliables flics de P’tit Quinquin (2014), Julien Manier, acteur « non pro » très sensuel aux faux airs de Patrick Dewaere, Lyna Khoudri en bimbo de son temps, Fabrice Luchini en diablotin électrisé de rejouer pour Bruno Dumont, Anamaria Vartolomei en Lara Croft de l’espace, saisissant la juste mesure d’un rôle impossible, venue pour la guerre et trouvant l’amour terrien.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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