Une grande perplexité nous saisit à l’issue de la projection du dernier long métrage d’Olivier Assayas, Hors du temps, en lice pour l’Ours d’or à la Berlinale, dont la 74è édition a lieu jusqu’au 25 février. Comment l’ancien critique de cinéma et réalisateur de L’eau froide (1994), d’Irma Vep (1996), de Personal Shopper (2016), etc, peut-il signer aujourd’hui une œuvre aussi conventionnelle ? On pourrait certes ajouter « touchante », car cette autofiction l’est vraiment, dans ce qu’elle dit du désarroi du cinéaste né en 1955 : Assayas se met à nu – et souvent pas à son avantage – bien que derrière le masque de l’interprétation de Vincent Macaigne – prénommé ici Etienne.
Assayas revisite la période de son confinement dans sa maison familiale, en Normandie, au printemps 2020, en présence de son frère, le critique musical Michka Assayas, ici dénommé Paul et incarné avec un certain brio par Micha Lescot, derrière ses lunettes de soleil. Etienne et Paul sont venus avec leurs nouvelles compagnes, respectivement Morgane (Nine d’Urso) et Carole (Nora Hamzawi). La pandémie leur donne l’occasion de se retrouver dans ce lieu enchanteur de leur enfance, une maison remplie de livres, d’œuvres d’art, un jardin se prolongeant dans le parc des voisins. Lesquels aujourd’hui sont morts, tout comme les parents de Paul et Etienne – un père écrivain, une mère styliste ayant fui la Hongrie. Dès les premières images, une grande mélancolie enveloppe le film, tandis que la voix off d’Olivier Assayas, un peu précieuse et châtié, remonte le fil du temps.
Zèle sanitaire
Réunis par la pandémie, les deux frères ont du mal à cohabiter. En panne de films, Etienne est d’humeur sombre et se révèle un maniaque des gestes barrières, ce qui permet à Macaigne d’exceller dans le rôle de l’emmerdeur de première classe. Paul ne supporte pas ce zèle sanitaire, d’autant plus qu’il vient de se séparer et rêve d’un peu de sérénité.
Etienne et Paul partagent tout de même un bien précieux, leurs jeunes années bercées par la pop et le rock, les soirées avec Jacno et Elli Medeiros, etc. Ces évocations d’instants délirants offrent les moments les plus lumineux du film, les deux acteurs s’amusant comme des fous à égréner les anecdotes. Les personnages féminins, en revanche, sont cantonnés au rayon des accessoires. Sans doute parce qu’elles sont plus jeunes, n’ont pas les mêmes références musicales, et passent beaucoup de temps à écouter leurs amoureux.
Si Morgane prépare un documentaire, et parle littérature en tapant quelques balles de tennis avec Etienne, on ne sait quasiment rien de la sage Carole, si ce n’est qu’elle fait du yoga – l’humoriste, comédienne et réalisatrice Nora Hamzawi cache bien sa verve dans ce film. Le seul moment de discussion entre les deux femmes leur permettra de parler… de leurs hommes, dans un champ, contrechamp télévisuel. Pas de doute, elles sont au coin du feu de l’amour.
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