Il était temps que Booba se remette à rapper. Son incontinence verbale sur les réseaux sociaux devenait de plus en plus gênante, pour ne pas dire absurde. Depuis qu’il a annoncé en 2021 que son dixième album Ultra serait le dernier, le rappeur originaire de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), qui réside depuis quinze ans à Miami, continuait de rythmer l’actualité avec les polémiques lancées sur X. Là pour dénoncer les arnaques des influenceurs, ici pour tacler d’anciens collaborateurs ne reculant devant aucun procédé, le plus souvent pour amuser la galerie et puis récemment, dans un registre vraiment moins drôle, pour relayer les diatribes antivaccins. Heureusement, Elie Yaffa, 47 ans, a le rap vissé au corps. Il n’aura pas fallu attendre trop longtemps pour qu’il mette sa retraite bruyante et brouillonne sur pause. Enfin, il fallait l’espérer. En vain.
Publié dans la nuit du 9 février, son nouvel album de dix morceaux, Ad vitam æternam, n’est pas exempt de nouvelles sources d’embrouilles comme cette pique au footballeur Kylian Mbappé dans le morceau, Abidal (« Ils sont surcotés de fou comme Kyli-a-a-a-n »). Sinon, il jette à la vindicte populaire un des trois associés de son premier label, 45 Scientific. « L’escroc s’appelait Geraldo », balance-t-il dans Rebel, après avoir samplé une interview de Bob Marley.
Il s’en prend aussi à la compagne de son rival Gims, Demdem, sur le titre rouleau compresseur, en duo avec SDM, Dolce Camara (« On les aime fraîches, bien michtos, qui savent accueillir comme Demdem ») et il rhabille la chanteuse anglaise Dua Lipa qui n’avait rien demandé (« Que des emballages sans contenu, que des Dua Lipa »).
Prendre quelques risques
Tout cela est bien puéril mais Booba est au sommet de son art, celui de la rime méchante, gore, d’une vacuité abyssale, d’un comique douteux mais terriblement efficace. Ce n’est pas le seul intérêt de ce disque, car il faut bien l’avouer, en l’absence des fins paroliers et kickers, Damso ou Nekfeu, Booba reste au-dessus des rappeurs actuels ; Josman et S.Pri Noir mis à part.
En matière de technique rap et de production musicale, l’ancien a toujours l’oreille affûtée. Il ne se laisse pas distancer, ce qui ne l’empêche pas de prendre quelques risques comme sur le très doux Saga, où il peine à se détacher « d’une femme indépendante » qui voudrait en faire son régulier. Dans Benigni, en duo avec Usky, il affiche même ses failles psychologiques, et les conseils de sa mère qui aurait aimé le voir consulter. Pour CVBSP, il s’essaie à une musique dance que n’aurait pas reniée le Marseillais Jul. Ce n’est à l’évidence pas pour lui.
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Source du contenu: www.lemonde.fr