Faut-il attendre la saint-glinglin pour rencontrer Chloë Collin ? Pour le savoir, nous avons donné rendez-vous à la jeune commissaire-priseur de 28 ans un matin de janvier, à l’angle de la rue Rossini et de la rue Drouot dans le 9e arrondissement de Paris, devant les portes battantes de l’hôtel des ventes du même nom. A l’heure convenue, celle de l’ouverture des salles, les minutes se sont égrainées. Chineurs et marchands se sont engouffrés en quête de trésors à acheter aux enchères et nous avons attendu… une bonne douzaine de minutes, mais pas la saint-glinglin.
« La Saintglinglin » c’est le surnom familial de cette Néoparisienne jusqu’au bout de ses ongles carmin. Fille d’un chirurgien et d’une médecin, elle a grandi avec ses trois frères sous le climat vivifiant de l’Ille-et-Vilaine, à Clayes, petite bourgade située entre Rennes et la forêt de Brocéliande. C’est probablement la proximité du site enchanté et de ses gardiennes, les fées Morgane et Viviane, qui ont conduit ses grands-mères, Anne-Marie et Nicole, à nourrir leur petite-fille d’histoires et de contes. « Elles ont cette fantaisie du langage, elles jonglent avec des mots et des expressions d’un autre siècle. Et comme, enfant, j’avais chaque jour plein d’idées que je remettais au lendemain, elles m’ont rebaptisée “La Saintglinglin”. C’est resté. »
Chloë Collin mène une double vie. A la ville, elle est experte en art contemporain, titulaire d’une licence en humanités de l’université de Paris-Nanterre, à laquelle s’additionnent une licence de droit et un master d’histoire de l’art… sans oublier un diplôme de l’école des commissaires-priseurs depuis 2021. La spécialiste est aujourd’hui employée par la maison de vente Pierre Bergé & Associés. Son métier ? « Passeuse d’histoires », dit-elle. Celle des objets et celle des hommes et des femmes auxquels ils ont appartenu. « Ils auront deux, trois, quatre vies… », espère-t-elle, le regard rieur sous sa frange blonde.
« On entre dans la vie des gens »
Pour ce faire, elle se doit de les réunir, d’évaluer leur prix, puis de leur construire un nouvel écrin. Et, enfin, les vendre ! Le métier de commissaire-priseur compte bien trois fonctions. La première consiste à expertiser : retrouver le parcours d’un objet, son histoire, ses propriétaires… Liquidations judiciaires, successions, séparations, dettes sont souvent les raisons qui conduisent des objets dans les salles des ventes. Si les objets sont inertes, les histoires qu’ils racontent sont humaines. « On entre alors dans la vie des gens, des familles. On s’immisce dans leur intimité pour reconstituer un récit qui parle au cœur, illustre la commissaire. L’hôtel Drouot est un immense orphelinat où chaque objet doit trouver une famille d’accueil. Comme les jouets de Toy Story ! »
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Source du contenu: www.lemonde.fr