PRIME VIDEO – SAMEDI 10 FÉVRIER – FILM
Inspiré par un fait divers qui secoua l’Amérique en son temps, mettant aux prises John E. du Pont, riche héritier d’une dynastie d’industriels de la chimie, et les frères Dave et Mark Schultz, tous deux champions olympiques de lutte libre, Bennett Miller a trouvé dans son troisième long-métrage de fiction, Foxcatcher (2015), le moyen de combiner la matière de ses deux films précédents, Truman Capote (2005) et Le Stratège (2011). Le premier relatait comment l’écrivain Truman Capote avait extrait une œuvre d’art d’un crime sanglant, le second disséquait les tissus qui lient le sport à l’argent.
Cela aboutit à un film d’une intelligence acérée, porté par une distribution remarquable et un scénario dont la clarté n’entrave pas la subtilité (signé E. Max Frye et Dan Futterman). Filmé dans des teintes hivernales, accompagné d’une morne musique de Rob Simonsen, Foxcatcher offre en son centre le portrait d’un homme malade, John E. du Pont. Pour l’incarner, Steve Carell s’est soumis à l’exercice du maquillage qui rend méconnaissable, nez aquilin, sourcils rasés, dentition modifiée.
Héritier médiocre
Quand il était enfant, la mère de John E. du Pont (Vanessa Redgrave, formidable dans le film) payait le fils d’un domestique pour qu’il consente à jouer avec lui. Cette richesse lui permet aujourd’hui de se faire passer pour un meneur d’hommes. A force de chèques et de cadeaux, il convainc les frères Schultz, puis la fédération américaine de lutte libre, d’admettre que, lui, l’héritier de la firme DuPont, dont nous, spectateurs, connaissons la médiocrité, a reçu de la providence la mission de mener l’équipe américaine à la victoire olympique.
En face de lui, le milliardaire trouve un homme aussi blessé que lui, Mark Schultz (Channing Tatum), lutteur bodybuildé qui a cumulé les titres de champion national et de champion olympique de lutte. Ballotté dans son enfance de foyer d’accueil en foyer d’accueil, il n’a d’autre ancrage dans la vie que l’affection de son frère aîné, David (Mark Ruffalo), lui aussi lutteur, lui aussi champion olympique. Un grand frère responsable, réglo, aimant, qui lui sert de coach, dans la salle de sport comme dans la vie.
Chacun à sa manière, ils sont la proie de la convoitise d’un homme qui possède déjà beaucoup mais voudrait encore s’attribuer ce qui leur reste – le talent, la solidarité, le sentiment d’appartenance. Channing Tatum et Mark Ruffalo sont irréprochables, l’un fruste mais lucide, l’autre généreux mais faillible.
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Source du contenu: www.lemonde.fr