Grinçant, ironique, affectueux ou désespéré : l’esprit de Jean Yanne en chansons

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Acteur, réalisateur (notamment des comédies satiriques Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, en 1972, et Moi y’en a vouloir des sous, en 1973), humoriste, d’abord dans le circuit des cabarets, puis dans des émissions à la radio et à la télévision, Jean Yanne (1933-2003) était aussi compositeur et parolier. Ce qui se sait moins et est à (re)découvrir dans le fort réussi Tout le monde il est… Jean Yanne, présenté au théâtre Le Funambule Montmartre, à Paris, jusqu’au 31 mars.

Des chansons, Jean Yanne en aurait écrit et composé près de trois cents, pour lui comme interprète ou pour d’autres (Line Renaud, Mouloudji, Antoine, Henri Salvador, Linda de Suza…). Dans Tout le monde il est… Jean Yanne, Anne Cadilhac, au clavier et au chant, et Eric Perez, au chant, en ont choisi une bonne vingtaine, écrites et composées dans les années 1960 et le début des années 1970.

De l’une à l’autre, des citations de Yanne, qui lorsqu’on le qualifiait de provocateur disait : « Qu’on ne m’accuse pas de vouloir choquer à tout prix, je ne fais que constater ce que je vois autour de moi. » Quelques exemples : « Si la réalité intéressait les gens, ils éteindraient la télé et regarderaient par la fenêtre » ; « Ce qui m’énerve ? Qu’on me demande de me calmer » ; « Il faut commencer à se méfier le jour où l’on a plus de souvenirs que de projets ».

Moment virtuose

Voici un couple, dans son jardin. Robe et coussins de la balancelle assortis, de l’orange, du vert, du violet, pantalon pattes d’eph’ et chemise à col pelle à tarte. L’on perçoit dans leur histoire de la lassitude mais aussi des restes de bonheur. Elle, pétillante, a encore des envies de tendresse, de joie. Lui est plus fuyant, se réfugie dans la lecture de Jours de France, avec le président Georges Pompidou en couverture, pour ne pas avoir à répondre lorsqu’elle lui demande : « Tu m’aimes toujours ? »

Elle chante Au grand bal, « où ton cœur faisait danser mon cœur ». Il clame Je n’aime pas le rock, et d’ailleurs il n’aime pas grand-chose. En duo, parce que même si le grand amour n’est peut-être plus au rendez-vous, ils se déclarent : « Si tu t’en irais, je crois bien que j’mourirais ». Cette chanson, Si tu t’en irais, est l’une de celles où le sarcastique Yanne fait place à une part plus douce, mélancolique de sa personnalité. Comme dans La Gamberge, sur le thème de la mort, chantée par Eric Perez, que Georges Brassens aurait pu faire sienne.

Pour la fantaisie, l’absurde à l’occasion, quel régal avec ce Cresoxipropanediol en capsule, moment virtuose dans le débit de plus en plus rapide d’Anne Cadilhac enchaînant les noms invraisemblables de médicaments, les moqueries de Parle au patron ou Chobizenesse, le surréalisme à la Boby Lapointe de Camille, la parodie de romance Pourquoi m’as-tu mordu l’oreille ?…

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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