La mort de Denis Brihat, ermite photographe

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Denis Brihat, qui a passé l’essentiel de sa vie dans le Luberon, au plus près de la nature, a photographié les oignons de son jardin pendant près de soixante ans. Il ne s’est jamais lassé de ces « compagnons au long cours » qu’il a transformés en des bijoux précieux, magnifiés dans des tirages mettant en valeur leurs infinis détails, les transparences des différentes couches, les ondulations échevelées de leurs pelures. Dès la fin des années 1950, ce photographe s’est taillé une place singulière dans l’histoire de la photographie française en axant son travail sur les natures mortes de végétaux, œuvrant pour sortir la photographie du livre pour l’afficher au mur, souvent en grand format, en utilisant toutes les ressources du travail en laboratoire. Il est mort à Bonnieux (Vaucluse), le 3 décembre, à 96 ans.

Né en 1928, Denis Brihat a vite pris ses distances vis-à-vis de sa famille de la petite bourgeoisie et des études – il aimait à dire qu’il avait « bac moins trois ». Il tente les cours de l’école de photographie de la rue de Vaugirard, à Paris, mais abandonne au bout de trois mois, dégoûté par les conceptions et les méthodes à l’ancienne qui y règnent : il apprendra son métier sur le tas. Son maître est déjà Edward Weston (1886-1958), photographe moderniste célèbre pour la précision et la délicatesse de ses tirages, dont il va admirer les œuvres dans une galerie parisienne pendant son service militaire : Denis Brihat pressent qu’il est possible de réaliser des « tableaux photographiques » capables de rivaliser au mur avec les tableaux des peintres. Une conviction renforcée par son compagnonnage, au début des années 1950, avec le groupe Espace, qui inclut des artistes et des architectes.

Grâce à Robert Doisneau (1912-1994), il intègre l’agence Rapho, en tant que correspondant sur la Côte d’Azur, avant de s’embarquer pour un long voyage initiatique en Inde. Les photos qu’il en rapporte lui permettront de remporter le prix Niépce en 1957, à la suite de Jean Dieuzaide et Robert Doisneau. Mais les métropoles indiennes l’ont vacciné de la vie urbaine, et le reportage ne lui convient pas : il prend alors la décision radicale de s’installer dans le Luberon, dans un cabanon sur le plateau isolé des Claparèdes, sans eau ni électricité – pour rincer ses tirages, il doit utiliser le lavoir du village.

Comme un peintre

Immergé dans la nature en solitaire, il abandonne tout travail de commande pour se concentrer sur la splendeur des paysages et sur la minutie des végétaux qui l’entourent. L’écoute de la musique de Bach, pour lequel il a une passion, lui donne l’idée d’approcher sa photographie sous forme de « variations » autour d’un thème – ce qui donnera lieu à un premier portfolio, entièrement consacré au citron, tiré en 50 exemplaires en 1953.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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