FRANCE 5 – VENDREDI 7 FÉVRIER À 22 H 45 – DOCUMENTAIRE
Le journaliste musical Christophe Conte semble hanté par le plus illustre et maudit des studios d’enregistrement français. Après David Bowie, l’homme cent visages ou le fantôme d’Hérouville, en 2016, il remet ça, en 2023, avec Le Château d’Hérouville. Une folie rock française, narré par Lou Doillon. Soit la fascinante histoire d’une pure utopie des années 1970 : l’implantation dans un village du Val-d’Oise de ce qui sera un des premiers lieux résidentiels pour cette activité et accueillera l’aristocratie pop britannique de l’époque. Une utopie qui virera régulièrement au cauchemar. Jusqu’à la tragédie, avec le suicide, en 1984, de son créateur, le compositeur Michel Magne.
Le documentaire embrasse cette saga avec des images inédites et de multiples témoignages, de proches de Michel Magne, de son épouse, Marie-Claude, de ses ingénieurs du son Dominique Blanc-Francard et Laurent Thibault. Tout commence lorsque le futur auteur des bandes originales de Fantômas (1964), d’Angélique, marquise des anges (1964) ou des Tontons flingueurs (1963) devient châtelain en 1962. « Romantique et farfelu » de son aveu, Magne se rend en Porsche faire de la musique dans cet ancien relais de poste d’Hérouville-en-Vexin (Val-d’Oise), qui vit passer Chopin et George Sand.
En 1969, son œuvre de jeunesse disparaît dans l’incendie d’une aile du « château ». Le musicien engage des frais colossaux pour y bâtir un studio d’enregistrement. Les premiers clients sont des locaux (Gong, Eddy Mitchell), puis la réputation d’Hérouville ne tarde pas à franchir la Manche et même l’Atlantique.
Grateful Dead en concert
En juin 1971, de passage pour le Festival d’Auvers-sur-Oise, Grateful Dead donne un concert lysergique (sous LSD). En 1972 et en 1973, se succèdent Pink Floyd, Marc Bolan (T. Rex), David Bowie. Elton John y enregistre Honky Château (en l’honneur du lieu), Don’t Shoot Me I’m Only the Piano Player et Goodbye Yellow Brick Road. Le pianiste se plaît à imaginer que la demeure est hantée et assure que les touches de son clavier s’enfoncent sans intervention humaine…
Le documentaire ne s’attarde malheureusement pas sur une raison plus prosaïque de l’engouement britannique pour Hérouville : dans le Val-d’Oise, « les impôts sont moins lourds » qu’à Londres, reconnaît David Gilmour, guitariste de Pink Floyd.
Criblé de dettes, Magne cède la gérance du studio qui périclite. Il connaîtra grâce à Laurent Thibault un deuxième âge d’or associant les Bee Gees (Saturday Night Fever), Jacques Higelin ou le duo infernal formé par Bowie et Iggy Pop. Un répit interrompu par la mort de Magne. Classé, le château entre alors dans un long sommeil de trente années, avant de renaître une nouvelle fois en tant que studio en 2015.
Le Château d’Hérouville. Une folie rock française, documentaire de Christophe Conte (Fr., 2023, 52 min). Diffusé sur France 5 et disponible en replay sur France.tv jusqu’au 9 mars.
Source du contenu: www.lemonde.fr