L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
Dix ans après son premier long-métrage, Monkey King : Hero Is Back, film d’action et de super-héros qui s’assura, l’année de sa sortie en 2015, le plus gros succès au box-office chinois (et plus de 140 millions de dollars, soit 130 millions d’euros, de recettes), le réalisateur Tian Xiaopeng change de registre et crée, cette fois, un conte fantasmagorique aux frontières du réel et de l’inconscient d’une petite fille de 10 ans. Celui-ci étant représenté par les profondeurs océaniques, où se côtoient monstres marins, créatures étranges, oiseaux flamboyants, morse joufflu, loutre gourmande, fantôme rouge à la matière visqueuse.
Présenté en séance événement au Festival d’Annecy en 2023, Le Royaume des abysses nous entraîne donc dans un tourbillon proprement vertigineux où les quatre éléments de la nature s’entremêlent, où les couleurs flamboient, vibrent et se déversent en longs mouvements, où l’espace et le temps se confondent. Tourbillon que l’animation et la bande-son transforment en véritable expérience sensorielle. On regrette seulement de n’être pas toujours en mesure de goûter pleinement à cette féerie – fruit d’un remarquable travail réalisé sur la 3D dont l’hyperréalisme fusionne ici avec l’impressionnisme de la peinture chinoise à l’encre.
En cause, le rythme effréné du film qui bouscule à vitesse grand V les décors, emporte une multitude de détails qui, pour beaucoup, remplacés trop vite, nous échappent. Il en est de même pour l’argument du film étouffé par un trop-plein d’effets visuels, d’actions et de rebondissements. Si bien qu’on se laisse porter sans bien comprendre le propos. Lequel nous sera livré à la toute fin. Révélation tardive qui nous aura empêchés de saisir toutes les nuances et la profondeur du récit.
L’histoire du Royaume des abysses nous raconte, en effet, bien plus que l’odyssée sous-marine dans laquelle se trouve embarquée l’héroïne du film, Shenxiu, fillette inconsolable depuis que sa mère a quitté le foyer, voilà plusieurs années. Le typhon qui l’aspire lors d’une croisière en famille et qui l’entraîne au fond de l’océan ouvre, en réalité, la brèche vers un monde intérieur, celui de la conscience, des émotions et des fantasmes. Le voyage qu’entreprend Shenxiu, au creux de l’onde peuplée de créatures, semée d’obstacles et de dangers, ne se résume pas à une simple aventure, mais décrit le travail de deuil, et le combat auquel doit se plier la petite fille pour sortir de la dépression dans laquelle le départ de sa mère l’a fait sombrer.
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