Missak Manouchian en trois documentaires, sur France 2 et Arte

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FRANCE 2 – MARDI 20 FÉVRIER À 21 H 10 ET ARTE – MERCREDI 21 FÉVRIER À 22 H 30 – DOCUMENTAIRES

Quelques heures avant sa mort, Missak Manouchian signa une dernière missive de son nom francisé : Michel. Ultime preuve d’amour envers un pays qui n’avait jamais voulu de lui. Par deux fois, l’orphelin arménien, happé dès ses 18 ans comme tant d’autres étrangers par un pays en mal de main-d’œuvre ouvrière, réclame sa naturalisation. En vain. Le poète résistant offrira pourtant sa vie à la France, sans regret, aucun.

Quatre-vingts ans, jour pour jour, après son exécution au Mont-Valérien, le 21 février 1944, avec vingt-deux de ses camarades Francs-tireurs partisans de la main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), à l’heure où les vents mauvais de la xénophobie flottent encore dans l’atmosphère, l’Arménien fera son entrée au Panthéon, le 21 février, au côté de sa femme, Mélinée.

L’occasion pour France 2 et Arte de revenir sur le parcours romanesque du poète, ancien tourneur fraiseur, grand homme à la patrie reconnaissante.

Parcours sacrificiel

France 2 a choisi Manouchian et ceux de l’Affiche rouge (diffusé mardi 20 à 21 h 10), un documentaire de Hugues Nancy retraçant pas à pas, avec force images d’archives, la vie de l’enfant rescapé du génocide arménien, depuis son apprentissage du français dans un orphelinat libanais jusqu’à sa mort héroïque aux côtés de ses frères d’armes.

La description, méthodique, de la traque du résistant et de ses compagnons par les brigades spéciales françaises, avant leur arrestation par la Gestapo, est particulièrement glaçante. Comme le parcours sacrificiel des compagnons de Missak Manouchian.

Avec Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant, titre emprunté au poème d’Aragon chanté par Léo Ferré, Arte choisit un documentaire plus atypique aux allures de postface du film de Mosco Levi Boucault, sorti en 1985, Des terroristes à la retraite (que l’on pourra voir à 22 h 30). Ce premier film qui mettait au jour l’action des FTP-MOI avait suscité, à l’époque, la polémique en mettant en cause la responsabilité du Parti communiste, accusé de ne pas avoir mis sous protection les résistants qui se savaient filés. « La dernière nuit, Manouchian m’avait dit : “Ils veulent nous amener à une mort certaine” », accusait Mélinée, citant son époux.

« Chef de bande »

« Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps », écrivit Missak à son « orpheline bien-aimée », depuis sa cellule de la prison de Fresnes avant d’être fusillé par les nazis.

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« Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but, ajoutait ce “Français par volonté”, à la tête du groupe FTP-MOI de la région parisienne. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. »

Marcel Rajman, Thomas Elek, Joseph Boczov, Celestino Alfonso, Raymond Kojitsky, Rino Della Negra, Olga Bancic… Leurs noms à consonance étrangère, pensent les Allemands, suffiront à jeter l’anathème sur ces libérateurs venus d’ailleurs dépeints en terroristes. Le visage de dix d’entre eux, tous communistes, souvent juifs, est placardé dans Paris par la propagande nazie. L’Arménien Manouchian est le « chef de bande » de cette « armée du crime ». Mais bien loin de déshonorer les martyrs, l’Affiche rouge contribuera à leur gloire posthume.

Dans ce groupe, une seule femme, Olga Bancic, Roumaine de 32 ans, ne sera pas fusillée avec ses compagnons. Ultime égard ? Ou plutôt refus de laisser la résistante mourir en soldat ? La mère d’une petite fille, encore bébé, Dolores, sera transférée en Allemagne pour être décapitée à Stuttgart en mai 1944.

Portraits

Mosco Levi Boucault, épaulé par Ruth Zylberman, reprend le fil de sa narration. Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant commence là où le précédent film, en 1985, se terminait, en montrant le cliché de Charles Mitzflicker, l’un des survivants des FTP-MOI, dont le témoignage, déchirant, clôturait ces Terroristes à la retraite. « Je tremble encore, je n’ai pas fait assez », sanglotait le tailleur pour hommes, prenant sa tête dans ses mains devant sa machine à coudre. L’homme est mort en 1995, faisant disparaître avec lui sa petite boutique, Milord, tailleur pour homme, devenue une boutique pour dame.

L’histoire s’évapore… Ruth Zylberman et Mosco Levi Boucault bataillent pour la faire vivre. Arpentant la rue de la Mare, dans le quartier de Belleville, à Paris (20e), le cimetière d’Ivry (Val-de-Marne) ou le stade de football de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), les auteurs retracent le portrait de cinq des résistants des FTP-MOI, en interrogeant leurs descendants.

Que reste-t-il aujourd’hui de ces héros ? Quel héritage auront laissé Raymond Kojitsky à l’accent gouailleur, Rino Della Negra, le footballeur italien, Thomas Elek, le jeune étudiant enflammé, Olga Bancic, l’infatigable combattante, ou encore Celestino Alfonso, l’« Espagnol rouge » ? La volonté farouche, sans doute, de ne jamais oublier.

Manouchian et ceux de l’Affiche rouge, de Hugues Nancy (Fr., 2024, 97 min). Sur France 2, le 20 février à 21 h 10.

Des terroristes à la retraite, de Mosco Levi Boucault (Fr. 1985, 70 min). Sur Arte, le 21 février à 22 h 30.

Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant, de Mosco Levi Boucault et Ruth Zylberman (Fr. 2024, 38 min). Sur Arte, le 21 février à 23 h 40.

Source du contenu: www.lemonde.fr

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