Mohamed Bourouissa, artiste touche-à-tout créateur d’espaces

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« J’ai écouté quelqu’un raconter son monde, sa famille pied-noir… J’étais bien… et je me suis endormi. Je suis très terre à terre : si tu mets des lits, je fais une sieste ! » C’est ainsi que Mohamed Bourouissa raconte sa visite de l’exposition qui a précédé la sienne au Palais de Tokyo, à Paris : celle de Lili Reynaud Dewar, qui était parsemée de confessions et de chambres d’hôtel. Les expositions qui proposent sans imposer, où l’expérience n’est pas uniquement liée à l’intellect, mais également à la disponibilité du visiteur, c’est aussi le credo de Mohamed Bourouissa, qui a su multiplier ses domaines d’expérimentation, et toujours surprendre, depuis une vingtaine d’années.

Lire la rencontre : Article réservé à nos abonnés Lili Reynaud Dewar au Palais de Tokyo, la grande mise à nu

Né en Algérie en 1978, le plasticien est arrivé en France à l’âge de 5 ans, avec sa mère. Il ne parle alors pas français, et l’intégration au sein du système scolaire est difficile. Le dessin sera sa bouée de sauvetage : « Je dessinais les personnages qu’on voyait à la télé, ça a été pour moi un moyen de communiquer avec les autres. » Et, malgré des débuts un peu chaotiques, l’école publique va devenir « une sacrée soupape » : « J’y suis resté très longtemps au final, jusqu’à 28 ou 29 ans ! », précise-t-il.

Adolescent de banlieue, il s’oriente d’abord vers un lycée technique du centre de Paris, dans la filière dessinateur maquettiste, où il noue des amitiés fortes et s’initie au graffiti. Puis intègre la fac, en arts plastiques, tout en se formant à la photographie, notamment en promenant son objectif parmi la jeunesse qui se rassemble dans le quartier de Châtelet-Les Halles au tournant des années 2000. Il est accepté aux Arts déco, grande école dont il sortira major. Toujours il déjoue les attentes et rebondit autrement : de la photographie il ira vers la vidéo en rejoignant enfin Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, à Tourcoing (Nord). C’est là qu’il élabore Temps mort, en cocréation avec un détenu, avec qui il échange textos et images grâce à un téléphone portable introduit en prison. Une vidéo sidérante, qui a intégré les plus grandes institutions et collections françaises et américaines.

« Pétri de doutes »

« Au-delà de sa curiosité et de sa pertinence, c’est quelqu’un d’extrêmement sincère, qui a fait de ses fêlures une force. C’est un touche-à-tout qui a des fulgurances et sait transcrire les états d’âme d’une génération », souligne son galeriste, Kamel Mennour. Son récent rebond du côté des planches a pour origine une remarque de son complice de Temps mort, qui lui disait que, contrairement à ce que reflète le film, la prison est aussi un lieu où l’on rit. A donc germé chez Mohamed Bourouissa l’idée de créer un spectacle de stand-up. « A la base, c’était un peu une blague, et puis j’ai été percuté par la puissance évocatrice du théâtre. Ça rassemble beaucoup de choses qui m’intéressent, comme la durée, l’expérience, le rythme, la respiration, le corps dans l’espace », résume-t-il. Il s’est plongé dans la mise en scène à partir d’ateliers menés dans un centre pénitentiaire pour femmes de Lille avec Zazon Castro, autrice de Quartier de femmes, créé à l’automne dernier, et qui sera rejoué au Palais de Tokyo pendant l’exposition, avant de partir en tournée.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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