« Peter Doherty : Stranger in My Own Skin », sur Canal+ Docs : l’angelot de la déglingue

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CANAL+ DOCS

LUNDI 19 FÉVRIER À 21 H

DOCUMENTAIRE

A l’aube des années 2010, des bookmakers anglais pariaient avec cynisme sur qui, de Amy Winehouse ou Peter Doherty, succomberait le premier aux excès de la toxicomanie. Si la chanteuse soul londonienne perdit cette course tragique, le 23 juillet 2011, à l’âge de 27 ans, son ami et compatriote rockeur a survécu à la spirale autodestructrice qui accompagnait ses débuts frénétiques au sein des Libertines ou des Babyshambles.

Ce parcours chaotique, riche de fulgurances artistiques et de frasques, cette lutte finalement gagnée contre les démons de l’addiction, sont au cœur du documentaire Peter Doherty : Stranger in My Own Skin, réalisé par Katia de Vidas et diffusé sur Canal+ Docs, lundi 19 janvier.

Si Amy, le film qu’Asif Kapadia avait consacré, en 2015, à Amy Winehouse, mettait en scène une multitude de témoignages, ce 90 minutes de la cinéaste, musicienne et aujourd’hui compagne de Doherty, Katia de Vidas, s’est construit principalement à partir des 200 heures de rush recueillies par celle-ci au côté du rockeur, au gré de presque dix années de tournage.

A l’initiative de Christian Fevret, cofondateur du magazine Les Inrockuptibles, qui avait convaincu le chanteur de se laisser filmer, celle qui était alors étudiante en cinéma avait commencé à suivre l’angelot de la déglingue en 2004.

A l’époque, son premier groupe, les Libertines, implose, après avoir enflammé la scène britannique le temps de deux albums – Up The Bracket (2002), The Libertines (2004) – ravivant le panache rock insulaire. Furia punk et intuition mélodique, hymnes ébouriffés et délicatesse émotionnelle, s’accompagnent dès le départ d’excès qui régalent les rubriques faits divers des tabloïds.

Tourmente, coulisses, silence

La caméra embarquée saisit d’abord Doherty et son nouveau groupe, les Babyshambles, au milieu de cette tourmente, dans l’atmosphère erratique des concerts, des répétitions ou tentatives d’enregistrements. Puis dans l’intimité des coulisses et des nuits blanches, dans le silence retrouvé de chambres ou de maisons au désordre infini.

La parole et les angoisses se libèrent. L’icône du retour du « sex, drugs and rock » se confie sur son enfance, sa vie de fils de militaire, ballotté de baraquements en casernes, marqué par ces cloisonnements de barbelés et la discipline paternelle. En réaction, il construit un imaginaire nourri de rock, de poésie et de littérature. Un idéal de bohème rimbaldienne, en quête d’absolue liberté et d’altération des sens.

La proximité croissante de la caméra est aussi confrontée à la réalité trash des seringues et séances de shoot. La bouille malicieuse de cette figure romantique, qui forma un couple destroy avec la top-modèle Kate Moss, s’éteint dans des regards perdus, chancelant dans la nudité de son corps frêle « étranger dans sa propre peau ». Il frôle un destin à la Sid Vicious (1957-1979) ou à la Kurt Cobain (1967-1994), tente de se battre contre ses addictions, se confronte à la violence de la vie carcérale.

Fêlures et franchise attachantes

Impudique, parfois jusqu’à la complaisance, le film capte aussi l’humour, les fêlures et la franchise attachantes d’un artiste conscient de ses démons. Au-delà des classiques des Libertines (What a Waster, Don’t Look Back Into the Sun…), la bande-son saisit une voix et une plume habitées de moments de grâce, même si on assiste finalement à peu de vrais moments de création.

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Au fil du temps, on sent le regard de la réalisatrice s’attendrir en un regard amoureux, au risque de perdre la distance nécessaire à la finalité documentaire. La matière recueillie n’en est pas moins rarissime dans l’histoire filmée de la pop. Jusqu’à cette ultime cure en Thaïlande (dont la chronique traîne en longueur), qui sera finalement la bonne.

Le musicien et la cinéaste, devenus un couple, partent s’installer en bordure des falaises d’Etretat, en France, pour une vie plus apaisée, mais néanmoins productive. Comme l’ont prouvé récemment un excellent album de Doherty, The Fantasy Life of Poetry and Crime (2022), réalisé en duo avec le Français Frédéric Lo ; une autobiographie, écrite avec Simon Spence, A Likely Lad, tout juste traduite en français (Un Garçon charmant, 476 pages, 22,50 €, Le Cherche-Midi) et une tournée de reformation des Libertines, qui passera par Paris, le 29 février, au festival Les Inrocks. Avant que le groupe ne publie un nouvel album, All Quiet on the Eastern Esplanade, le 29 mars.

Peter Doherty : Stranger in My Own Skin Documentaire de Katia de Vidas (Fr. 2023 – 90 min) Canal+ Docs

Source du contenu: www.lemonde.fr

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