« Prima Facie » : le puissant monologue d’une femme abusée

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C’est l’histoire d’un retournement de situation qui pousse à s’interroger sur les fondements du système judiciaire dans le traitement des affaires de viol. Prima Facie, de la dramaturge australo-britannique Suzie Miller, arrive en France au Théâtre Montparnasse, à Paris, après sa création remarquée et auréolée de récompenses en 2022 au Théâtre Harold Pinter à Londres.

Cette pièce sous forme de monologue raconte l’itinéraire de Tessa, une jeune femme issue d’un milieu ouvrier, qui quitte Liverpool pour la faculté de droit de Cambridge et gravit tous les échelons jusqu’à devenir une brillante avocate pénaliste spécialisée dans la défense des hommes accusés d’agressions sexuelles ou de viols. Droite dans ses bottes, elle use avec âpreté de toutes les méthodes pour défendre la version de ses clients, déstabiliser et décrédibiliser les victimes.

Tessa gagne tous ses procès. Jusqu’au jour où sa vie bascule. Après une soirée bien arrosée, un pénaliste de son cabinet la viole. L’avocate se retrouve victime, plaignante. Elle va passer sept cent quatre-vingt-deux jours à faire valoir ses droits, à se débattre dans une procédure judiciaire qui, bien qu’elle en connaisse les moindres rouages, va se refermer sur elle, mettre en doute son récit et son absence de consentement.

Climat puissant et éprouvant

Dans une mise en scène à la fois épurée et ingénieuse de Géraldine Martineau – où un large miroir occupe tout le fond de scène, renvoyant Tessa de l’autre côté de la barre, face à ses troubles et à ses douleurs, et le public à son rôle de voyeur et de juge –, ce monologue nous plonge dans un climat à la fois puissant et éprouvant, dont on sort un peu abattu, sonné. « Quelque chose doit changer », comme le soutient avec force Suzie Miller, dans ce droit façonné par des générations d’hommes où la charge de la preuve revient à la femme victime, où les « mais » (« mais » vous avez consommé beaucoup d’alcool ; « mais » pensez-vous qu’il ait compris que vous n’étiez pas consentante ; « mais » pourquoi n’avoir pas appelé à l’aide, etc.) ne cessent de remettre en cause la parole de la femme abusée. « Prima facie », « à première vue », la plaignante n’est pas claire.

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Elodie Navarre, qui a été nommée deux fois aux Molières pour Le Fils, de Florian Zeller, en 2018, et pour son rôle dans Les Beaux, de Léonore Confino, en 2020, prend à bras-le-corps ce personnage d’avocate-victime et incarne avec justesse les différents protagonistes de cette terrible histoire. A l’image du texte, tiré au cordeau, la comédienne joue avec précision et avec ce qu’il faut de rage, mais sans jamais tomber dans l’excès d’émotion.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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