LA CRITIQUE BD – Sept ans après la première enquête de l’inspectrice Tabares et de son adjoint Sotillo, l’Espagnol Miguelanxo Prado revient avec une enquête abrupte sur fond de pédocriminalité. Glaçant.
Octobre 2016, en Espagne. La jeune Irina, 15 ans, a tout pour elle, la beauté, la réussite scolaire, les amis. Pourtant la jeune fille semble tourmentée. Quand quelques mois plus tard, ses parents la retrouvent morte dans son lit, la thèse du suicide ne fait pas l’ombre d’un doute, pour les autorités. Mais l’inspectrice Tabares et son adjoint Sotillo ne l’entendent pas de cette oreille et parviennent à maintenir l’enquête ouverte pendant quelques jours avant son classement sans suite. Le temps pour le tandem de mettre la main sur la tablette de la victime qui révèle des photos d’elle dénudée et une relation avec un photographe professionnel spécialiste des clichés érotiques. Une découverte marquant le début d’une enquête glaçante où l’ignominie règne en maître.
Miguelanxo Prado nous avait enchantés avec la fantaisie et l’onirisme d’Ardalen , ou le thriller empreint de mythologie ancestrale Le Triskel volé . Avec sa série de polars indépendants Proies faciles, sur fond de critique sociale, l’Espagnol plonge le lecteur dans les sombres profondeurs de l’âme humaine. Miguelanxo Prado nous tient en haleine tout en distillant les travers de notre société.
Dans une première enquête, parue en 2017, il évoquait les malversations du monde bancaire terrassant les petites gens. Dans ce deuxième volet, il va un cran plus loin dans ce que l’appât du gain peut engendrer d’actes ignobles. Avec Vautours, les deux inspecteurs naviguent avec un sens aigu de la justice dans les eaux troubles de la pédocriminalité.
Méticuleux et opiniâtres, ils fouillent là où on ne les attend pas, n’hésitant pas à franchir les obstacles de la hiérarchie, pour emmener le lecteur dans une enquête aux nombreux rebondissements. Leurs investigations révèlent comment les réseaux sociaux ou les psychotropes (utilisés pour abuser de futures victimes telle la scopolamine) sont détournés pour composer tout un arsenal au service des prédateurs.
Sans gâcher la fluidité du récit, l’auteur met en scène, avec brio, des retours dans le temps par lesquels le lecteur plonge dans les coulisses du crime. Il assiste à son élaboration, aux scrupules vite envolés de ceux qui le commettent, à la solitude d’Irina et son emprisonnement dans l’enfer du vice. Miguelanxo Prado n’épargne aucun détail pour illustrer la cupidité et le machiavélisme.
L’auteur offre cependant quelques pages de respiration en étoffant la relation amicale qui lie les deux inspecteurs. Quand ils s’autorisent une promenade en mer, des discussions plus légères ou un passage dans un planétarium, le lecteur reprend aussi son souffle dans cette course contre le crime, relayée et appuyée par un trait virtuose. Charbonneux et expressif, il révèle avec maestria l’abjection dans toute sa splendeur.
Proies faciles, tome 2, Vautours, Miguelanxo Prado, Rue de sèvres, 80 pages, 20 euros.
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