FRANCE 2 – MARDI 15 OCTOBRE À 22 H 55 – DOCUMENTAIRE
C’est un monde particulier, une « bulle étrange », comme le dit la réalisatrice Eglantine Eméyé, où l’on chante en chœur des comptines et du Soprano pour conjurer l’angoisse de la maladie, où enfants, parents et soignants s’échangent des flots d’amour malgré la gravité du moment, où la vie affronte quotidiennement la mort. Perchés au sixième étage du CHU la Timone, vaisseau amiral des hôpitaux universitaires de Marseille, le service de neuropédiatrie des professeurs Chabrol et Milh accueille des enfants atteints de pathologies rares, complexes et, ce documentaire ne le cache pas, parfois mortelles.
Son film, Eglantine Eméyé l’a pensé d’abord comme une lettre d’adieu à son fils Samy, suivi en ces murs pendant dix ans et qui y a vécu ses derniers jours à 17 ans, en février 2023. Mais cette quête personnelle se double d’un vibrant hommage au personnel − ces « anges de la Timone » du titre − qui, quotidiennement, se confronte à la souffrance de patients dont les plus jeunes sont des nourrissons, et les plus âgés des adolescents.
Face à ce destin que le professeur Milh qualifie d’« injustice », soignants, aides-soignants ou administratifs affichent sourires, bienveillance, humanité et foi en leur mission. Une population très féminine, jeune et emballante, qui voit dans son travail « le plus beau métier du monde » et même une « forme de poésie », tout en s’interrogeant sur sa propre résilience. « On me demande : “Comment tu fais pour travailler avec des enfants malades ?” », s’étonne une infirmière du service. « Sans joie, on ne tiendrait pas », semble répondre une de ses collègues.
Moments bouleversants
Avec des mots tendres et simples, parfois naïfs, Eglantine Eméyé, réalisatrice et mère, met en scène son retour au sixième étage de la Timone. Une catharsis douloureuse qui, par petites séquences, sert de fil rouge au film. Mais si ce documentaire s’avère par moments bouleversant, c’est d’abord par la réalité qu’il donne à voir. En immersion dans les chambres, les salles de repos, les couloirs du service, la caméra d’Olivier Pighetti ne cherche pas l’esthétisme ou le sensationnel. Sans esbroufe, elle capte les soins, les échanges et, surtout, des émotions à la puissance rare. Mais aussi quelques moments difficilement soutenables.
Comment ne pas être profondément touché par Lina, Timothée ou Riheb, enfants aux prises avec des pathologies qui les dévorent ? Résister aux regards désemparés de parents, broyés par l’annonce du corps médical (pourtant plein de tact et lui-même accablé) qui engloutit leurs derniers espoirs ? Ou, à l’inverse, par le sourire espiègle d’Anna, « petite miraculée » qui, harnachée sur un tricycle adapté à son handicap, vogue vers le monde extérieur après des soins réussis ?
Au fil de sa narration, Samy et les anges de la Timone effleure aussi les maux qui minent l’hôpital public. Il donne à voir le manque de lits lorsque, rongée d’angoisse, une maman se voit contrainte de poursuivre l’hospitalisation de sa fille à domicile. La charge de travail des soignants, parfois débordés par le nombre de patients à suivre. Ou l’impact psychologique de ces missions, surtout chez les plus jeunes professionnels. Il est, au final, la démonstration qu’il est nécessaire de continuer à donner à ces « anges » hospitaliers des moyens à la hauteur de leur formidable engagement.
Samy et les anges de la Timone, documentaire d’Eglantine Eméyé et d’Olivier Pighetti (Fr., 2024, 53 min).
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