Le canal de Suez a perdu 60 % de son trafic en 2024, bilan transmis fin décembre par l’amiral Osama Rabie, chef de l’Autorité du canal de Suez, au président égyptien lui-même. Le trafic y est fortement perturbé depuis plus d’un an : en cause, les attaques des rebelles houthis visant les navires transitant par la mer Rouge. Un manque à gagner énorme pour l’Égypte, alors que celle-ci a engagé des travaux pour améliorer le fonctionnement du canal.
Le géant du secteur maritime Maersk est très clair quant à l’avenir de ses activités en mer Rouge : « Nous ne prévoyons pas d’emprunter à nouveau le canal de Suez avec nos grands navires en provenance d’Asie avant que la sécurité ne soit pleinement garantie pour le passage de la mer Rouge et du détroit de Bab-el-Mandeb, souligne l’entreprise dans un courriel envoyé à RFI. Le canal lui-même est sûr, mais il n’est pas possible de traverser la mer Rouge en direction de l’Inde et de l’Asie en sécurité. »
7 milliards de dollars de pertes
En 2024, l’Autorité du canal de Suez affirme avoir comptabilisé seulement 40 % du trafic habituel. La taille des bateaux a en particulier fortement diminué. « Ce sont des navires et des cargaisons dont les valeurs cumulées ne vont pas excéder 100 millions de dollars, précise Jérôme de Ricqlès, expert du transport maritime chez Upply. C’est à peu près le pivot au-delà duquel il n’est plus possible pour des questions principalement assurantielles de faire transiter des navires. Ça veut dire des petits porte-conteneurs essentiellement affectés à du trafic régional, pas du trafic est-ouest. »
Problème d’assurance
Le manque à gagner se monte à 7 milliards de dollars pour les autorités égyptiennes, alors qu’elles ont engagé d’énormes travaux pour élargir le canal, permettant notamment la duplication des voies. « Ce sont des travaux qui avaient été entrepris avant le 7 octobre 2023 et la finalité de ces travaux, c’est d’apporter une réponse pour qu’un nouvel Ever Given n’arrive pas », rappelle Jérôme de Ricqlès. Le 23 mars 2021, l’énorme porte-conteneur Ever Given s’échoue au travers du canal. Il bloque la circulation pendant près d’une semaine et cause des pertes pour le commerce maritime mondial, estimées par l’assureur Allianz à plusieurs milliards de dollars par jour.
À lire aussiL’Égypte fragilisée par la forte chute de recettes du Canal de Suez, en pleine crise au Moyen Orient
Double peine pour l’Égypte
« Les autorités du canal et les autorités égyptiennes ne peuvent pas se projeter dans l’avenir avec une situation de contournement par le cap de Bonne-Espérance qui dure, souligne Jérôme de Ricqlès. C’est pénalisant pour les marchandises, c’est pénalisant pour les supply chain et ce sont des surcoûts. » Aujourd’hui, le contournement par le cap de Bonne-Espérance engendre jusqu’à trois semaines de trajet supplémentaire. Et l’impact économique ne concerne pas uniquement le canal. « Quand on parle des pertes pour l’Égypte, c’est un peu la double peine : une peine directe par le non-transit et la non-perception des taxes et des droits, mais aussi un affaiblissement de l’économie égyptienne et de l’économie portuaire égyptienne qui a perdu pour ses ports un trafic important. »
Pour les experts, aucun doute : une fois la situation sécuritaire normalisée, le trafic reprendra par le canal de Suez. Cette voie maritime est la plus courte entre l’Asie et l’Europe. Elle est également la plus intéressante économiquement.
À lire aussiTensions en Mer Rouge, baisse du trafic dans le canal de Suez: quel impact sur les prix?
Source du contenu: www.rfi.fr