En nouchi, l’argot abidjanais, on appelle les classes moyennes et supérieures les « choco ». Et pour cause : dans le premier pays producteur de cacao au monde, le prix du chocolat est trop élevé pour la plupart des ménages. À Pâques, la chasse aux œufs est donc réservée aux enfants les plus favorisés.
Avec notre correspondante à Abidjan,
« Tu dis quoi ? Œuf de Pâques ? Non, non, ça n’a jamais existé. » Dans les rues d’Abidjan, le concept de chocolats de Pâques n’est pas très populaire. Près de l’Ivoire Trade Center, le centre commercial le plus huppé de Cocody, ce père de famille dit même n’en avoir jamais entendu parler. « Je te mets au défi : tu ne verras même pas cinq habitants ici, en Côte d’Ivoire, donner [des] cadeaux de Pâques à leurs enfants. C’est la première fois même que j’apprends ça. Sinon ça n’a jamais existé dans nos coutumes. Du haut de mes 46 ans, je ne connais pas. C’est que c’est purement européen ! »
Car les prix du chocolat sont si élevés qu’il est majoritairement réservé à une clientèle d’expatriés. Dans ce centre commercial, on trouve ainsi un sachet de 180 grammes d’œufs pralinés de la marque suisse Lindt à 10 200 francs CFA (15,60 euros). Un autre, de la chocolaterie française Motta à 9 600 francs CFA pour 150 grammes (14.70 euros).
Et les productions locales s’inscrivent dans la même gamme de prix, comme les chocolats de la marque ivoirienne MonChoco, vendus à un stand de la galerie marchande. « Nous avons le grand panier de Pâques, composé de l’œuf moyen, du petit lapin de Pâques, des poissons, des petites poules, détaille la vendeuse. Tout ça pour 19 000 francs CFA (près de 30 euros). Nous avons aussi la cabosse, les poules, pour 17 000 FCFA (26 euros). Nous avons aussi le coq à 4 500 francs (6,90 euros), le petit lapin là-bas pour 3 000 francs (4,60). C’est beaucoup les étrangers qui achètent [nos chocolats] pour la fête de Pâques. »
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« C’est la mondialisation »
Mais les chocolats de Pâques parviennent aussi à séduire une élite mondialisée, dont les enfants fréquentent des établissements internationaux comme l’école Fred & Poppée. « Il y a beaucoup de traditions qui ne sont pas des choses que nous, les parents d’aujourd’hui, avons vécues quand on était enfants, reconnaît le père de deux élèves. Pâques, c’est une fête que l’on connaît pour son côté religieux. Mais il faut dire qu’avec nos générations d’enfants, on a développé, en tant que parents, cette flexibilité – c’est la mondialisation, hein ! – à faire comme les autres. Il y a la Pâques maintenant, sur ce volet-là : chocolats, chasse aux œufs, tout ça. On n’a pas grandi avec, mais nos enfants, avec la télévision et tout, c’est leur univers, et on essaie de leur offrir tout ça. »
Une des éducatrices de l’école, Mariam Atta-Kouadio a lancé depuis l’an dernier une activité de chasse aux œufs de Pâques au jardin botanique de Bingerville. Avec pour objectif d’inciter les enfants à intégrer le chocolat à leurs habitudes alimentaires. « Il faut dire que ça ne fait pas partie de nos cultures, en fait. Le chocolat au village, ce n’est pas tout le monde qui en consomme ! C’est vrai que la Côte d’Ivoire est la première productrice en café-cacao, mais il faut reconnaître que c’est coûteux. Le chocolat est cher, ce n’est pas tout le monde qui en consomme. On va essayer de parler de ça aux enfants, pour que ça puisse entrer dans nos cultures. » Sa chasse aux œufs a rassemblé plus de 150 participants l’an dernier, et compte autant d’inscrits cette année. Coût de la participation : 10 000 francs CFA (15,30 euros), chocolat inclus.
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