En un an et demi, la plateforme Temu s’est imposée en Europe. La Commission européenne a ouvert une enquête contre les pratiques commerciales du géant du e-commerce. Bruxelles s’interroge sur la qualité des articles et ses méthodes de vente « addictives ».
Des vêtements, des bijoux, des accessoires de décoration… Temu est le royaume en ligne des prix cassés. Des tarifs imbattables, des articles expédiés en quelques jours, et une livraison gratuite : la plateforme chinoise d’e-commerce fait un carton en Europe avec 92 millions d’utilisateurs chaque mois.
Le 31 octobre, la Commission européenne a ouvert une enquête contre les pratiques commerciales de Temu. Bruxelles soupçonne à la plateforme en ligne de ne pas en faire assez pour lutter contre la vente de produits dangereux ou illicites. Des associations de consommateurs ont par exemple recensé des jouets pour bébés avec de petites pièces qui peuvent être avalées. D’autres articles, qui comportent des notices disponibles uniquement en chinois ou des produits cosmétiques sans la liste des ingrédients, ne sont pas conformes aux normes européennes. Certains ont été retirés du site, avant de réapparaitre un peu plus tard.
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« Pousser le consommateur à acheter »
Bruxelles s’interroge aussi sur les méthodes de vente « addictives » de Temu. « Il y a deux grandes catégories de pratiques qui se détachent, relève Marie-Amandine Stevenin présidente de l’association de consommateurs UFC Que Choisir qui a alerté dès le mois de mai la Commission européenne avec le dépôt d’une plainte au côté de seize autres associations de consommateurs. Il y a d’abord le système des recommandations. Le consommateur est souvent tracé en fonction des achats, et lorsqu’il clique sur le détail, il a des recommandations. On ne sait pas quel est l’algorithme qui va gérer ces recommandations. »
Les associations alertent également sur les « dark patterns ». « Ce sont ces interfaces trompeuses où on vous affiche, “attention, ce produit ne sera plus disponible dans 12 jours, 4 heures et 26 minutes”, détaille la présidente de l’UFC Que Choisir. Ces interfaces sont utilisées pour amener le consommateur à acheter bien plus vite que si elles n’avaient pas été mises en place. »
La Commission européenne qui soupçonne Temu de contrevenir au nouveau règlement de l’UE sur les services en ligne, le DSA (Digital Services Act) réclame des explications. Si les réponses de la plateforme ne sont pas satisfaisantes, elle s’expose à une amende : l’équivalent de 6 % de son chiffre d’affaires mondial.
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« Effet d’aubaine pour le consommateur »
Temu est une émanation d’un des géants du commerce en Chine, le groupe Pinduoduo (PDD Holdings). La plateforme, arrivée en Europe en avril 2023, a investi des sommes colossales sur le marketing digital pour se faire connaître, mais son principal argument de vente réside dans ses tarifs très bas. « Quand vous voyez des prix qui écrasent tous les concurrents, avec parfois des récompenses à l’achat de produits et une livraison gratuite : c’est un effet d’aubaine pour les consommateurs, explique Franck Rosenthal, expert en marketing du commerce. Ça ne peut que marcher très fort. »
Pour proposer ces prix cassés, la plateforme s’appuie sur les commandes groupées réalisées par sa maison mère PDD Holdings, mais cherche aussi à réduire au maximum les intermédiaires. « Le modèle, c’est d’aller au plus court, de mettre l’usine en rapport quasi-direct avec le consommateur, détaille Franck Rosenthal. Temu va prendre une marge très, très faible, ça va faire la différence parce que ce sont des prix qu’on ne peut pas proposer en Europe, parce que nous n’avons pas les mêmes coûts de production, pas les mêmes taxes ni les mêmes normes. »
Avec des prix très bas et des marges très faibles, Temu ne gagne pas d’argent. D’après une étude du magazine américain Wired, elle perdrait même aux États-Unis environ 30 dollars par commande.« Le modèle économique interroge, poursuit Franck Rosenthal, mais les équipes de Temu misent sur 2026 ou 2027 pour être bénéficiaire. D’autres géants du e-commerce comme Amazon ont mis quinze à vingt ans avant de gagner de l’argent. On ne sait pas comment Temu peut inverser la tendance en si peu de temps. »
En attendant, la plateforme se construit une énorme base de clients et capitalise sur la revente des données de ces millions d’utilisateurs.
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