3 000 tonnes de vanille malgache ont été exportées depuis décembre. Un chiffre bien au-dessus de la moyenne qui tourne autour de 2 000 tonnes. Mais cet appétit des acheteurs n’est pas forcément signe de prix à la hausse. Au contraire même.
Les chiffres sont révélateurs d’une campagne presque inédite. En à peine six mois, la Grande Île a exporté 3 000 tonnes de vanille – chiffres arrêtés au 15 juin – du jamais vu ! Ce chiffre est appelé encore à grossir puisqu’en raison d’un début de campagne tardif, la période de commercialisation doit encore se poursuivre jusqu’au 31 juillet.
Si les volumes sont impressionnants, c’est l’inverse pour les prix. La vanille exportée, pour la période concernée, ce serait vendue entre 40 et 70 dollars le kilo (FOB), 40 étant un prix plancher non officiel en dessous duquel les coûts de revient ne sont plus couverts. On parle là du prix de la vanille qui sert à faire de l’extrait, utilisée par l’agro-alimentaire.
La vanille premium, qui représente 10 à 15% du marché, s’est vendue, selon plusieurs sources, au-delà de 100 dollars, mais on reste, dans tous les cas, toujours bien loin du prix rêvé et fixé en 2020 par le gouvernement malgache qui était de 250 dollars le kilo. Un prix qui avait paralysé la filière avant d’être finalement abandonné il y a un an, le 5 mai 2023.
Le retour à un marché libéralisé a libéré les stocks qui s’étaient accumulés, comme le prouvent les derniers chiffres d’exportation, mais n’a en revanche pas changé la donne pour les paysans.
Des prix au paysan toujours trop bas
L’ouverture de la nouvelle campagne à Ambanja, sur la côte ouest de Madagascar, fin mai, l’a prouvé : mis à part quelques milliers de tonnes de vanille verte labellisées et déjà pré-achetées qui se sont vendues entre 45 et 60 000 ariarys le kilo (soit entre 9 et 12 euros), le reste s’est échangé ces dernières semaines en moyenne à 15 000 ariarys le kilo (soit 3 euros).
Ces prix s’expliquent essentiellement par l’absence de demande. Localement d’abord, parce que l’appel à manifestation pour obtenir l’agrément d’exportateur n’a pas encore été publié, explique un acteur de la filière. Sans savoir s’ils seront adoubés par les autorités, les acteurs de la filière basés à Madagascar ne se précipitent pas pour s’approvisionner.
À l’international également la demande est morose, car négociants et industriels ont pris les devants ces derniers mois en achetant beaucoup : « les acheteurs se sont gavés » résume un de nos interlocuteurs, qui constate qu’aucun exportateur n’a signé de contrat de vente significatif alors que le mois de juin est déjà bien entamé.
Faute de demande, les paysans qui n’ont pas la capacité de transformer la vanille verte sont contraints de céder leurs gousses à bas prix, et en dessous de ce qu’on appelle le prix de subsistance, soit le prix permettant de subvenir aux besoins élémentaires du foyer. Et c’est précisément ce qui a été observé sur le marché d’Ambanja.
L’inconnue de la nouvelle récolte et des stocks
Pour voir les prix remonter, il faudra probablement attendre la nouvelle campagne d’exportation cet automne. La nouvelle récolte de vanille s’annonce en effet en nette diminution, et ne pourra pas être compensée par les stocks qui, sauf surprise, devraient avoir fondu sous l’effet de la très bonne saison d’exportation qui se termine. Un cocktail « qui pourrait faire flamber les prix au premier semestre 2025, comme cela avait été le cas en 2015 », selon Georges Geeraerts, président du Groupement des exportateurs de vanille de Madagascar.
Toute la complexité du marché de la vanille est liée au très petit nombre d’acteurs à la vente et à l’achat. Un changement d’attitude des acheteurs peut très vite faire paniquer les vendeurs. La vanille est ce qu’on appelle « un marché d’opinion » résume Michel Manceau, auteur de la lettre d’information The Vanilla Report.
Source du contenu: www.rfi.fr