Le marché de l’huile de palme a été fortement ébranlé par la pandémie puis la guerre en Ukraine. Il va maintenant devoir dans les prochains jours s’adapter à la nouvelle règlementation européenne sur la déforestation. Une contrainte supplémentaire qui pourrait accélérer l’émergence d’un marché à deux vitesses.
L’huile de palme au coude à coude avec l’huile de soja et l’huile de tournesol, voire plus chère, ça n’arrive pas souvent, alors forcément les importateurs qui passent commande en ce moment, changent leurs habitudes pour aller vers les prix les plus bas.
En janvier, les importations indiennes d’huile de palme sont ainsi tombées à leur plus faible niveau depuis trois mois, au profit des autres huiles végétales. Mais ces fluctuations sont néanmoins très conjoncturelles, les cours étant globalement stables depuis des mois, avec des prix deux fois moins élevés qu’en 2022.
Règlementation européenne contraignante
Cela pourrait cependant changer à l’approche de l’entrée en vigueur de la règlementation européenne sur les produits importés. Un texte qui interdira, à compter de la fin de l’année, l’arrivée sur le sol européen de matières premières issues de régions déforestées après 2020. Une loi contraignante qui pourrait scinder le marché de l’huile de palme en deux, selon plusieurs experts.
En Malaisie, mais peut-être encore plus en Indonésie, on pourrait ainsi trouver demain une huile de palme traçable, produite par les plus grandes plantations capables de répondre à la règlementation européenne, et une huile déclassée, produite par une majorité de plus petits acteurs, qui sera vendue en dehors de l’Union européenne, « une huile non labellisée dont les prix pourraient chuter », c’est une des hypothèses émise par les auteurs du rapport Cyclope qui ont publié en janvier leur prévision pour 2024.
La fin d’un modèle de production ?
En Indonésie et en Malaisie, les deux géants du secteur, les petites exploitations se sont multipliées ces dernières années. La pandémie a mis à l’épreuve le modèle des grandes plantations très dépendantes d’une main d’œuvre étrangère ou bon marché, dont la valeur ajoutée repose essentiellement sur des économies d’échelle. De nombreux travailleurs jusque-là exploités se sont convaincus qu’ils pouvaient gagner plus en quittant les plantations industrielles.
C’est une des raisons qui explique le manque cruel de main d’œuvre dans la filière industrielle qui voit s’envoler chaque jour des milliers de dollars, faute de trouver des bras pour récolter les fruits qui pourrissent sur les arbres.
Pour Jean-Marc Roda, directeur régional du Cirad en Asie du Sud-Est insulaire, l’émergence d’un marché à double vitesse est l’illustration de mutations plus profondes. Il n’hésite pas à parler de « la fin d’un modèle », voire d’un « tournant séculaire » dans le secteur de l’huile de palme.
À lire aussiLe marché des huiles sous la pression du tournesol
Source du contenu: www.rfi.fr