Comment ont voté les eurodéputés français sur les traités commerciaux internationaux

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Les accords commerciaux et internationaux font partie des rares domaines réservés de l’Union européenne. Seule la Commission européenne est habilitée à les négocier, et les eurodéputés doivent ensuite se prononcer sur leur ratification, sans pouvoir proposer de modifications.

Lors de la campagne pour les élections européennes de juin, l’attention politique se cristallise sur deux textes qui n’ont pourtant pas été votés au cours du mandat 2019-2024. L’accord de libre-échange avec le Canada, le CETA, rejeté par les sénateurs français le 21 mars, avait été adopté par le Parlement européen en 2017. Quant à l’accord avec les pays d’Amérique du Sud membres du Mercosur, dit accord « viande contre voitures », il a été négocié en 2019, mais n’a toujours pas été soumis au vote du Parlement européen. Si certains rejettent le texte en bloc, d’autres, comme Emmanuel Macron, appellent à la renégociation d’un « très mauvais » accord pour le rendre « responsable [en matière] de développement, de climat et de biodiversité ».

Méthodologie

Les analyses des votes réalisées par Le Monde portent sur la position des eurodéputés français au Parlement depuis juin 2019, lors des votes dont le scrutin est public. Ce n’est pas toujours le cas : par défaut, les votes se font à main levée, sauf si un groupe politique ou une partie des eurodéputés exigent un décompte nominal. Le vote de chaque député est alors publié sur le site Internet du Parlement européen (il y en a eu plus de 18 000 depuis 2019). Si des députés se trompent de bouton lors du scrutin, il peuvent demander une correction. Nous avons pris en compte ce second vote, car il reflète mieux la position du député.

Dans nos décomptes, nous avons rassemblé les eurodéputés en six familles politiques :

  • la « gauche radicale » correspond au groupe The Left ;
  • la « gauche » au groupe Socialistes & Démocrates ;
  • les écologistes au groupe Verts/ALE ;
  • les centristes au groupe Renew ;
  • la « droite » au groupe PPE ;
  • l’« extrême droite » rassemble le groupe Identité & Démocratie, ainsi que cinq eurodéputés qui avaient été élus sur la liste du Rassemblement national mais qui en ont été écartés : Nicolas Bay, Hervé Juvin, Gilbert Collard, Jérôme Rivière et Maxette Pirbakas.

Pour les deux autres députés qui ont changé de groupe, Salima Yenbou et Pascal Durand, leurs votes ont été attribués au groupe auquel ils appartenaient au moment de s’exprimer. Les partis des députés sont ceux qui apparaissent sur le site du Parlement européen.

Les accords de libre-échange, surtout votés par Renew

Pour autant, les eurodéputés élus en 2019 ont été amenés à voter plusieurs accords commerciaux avec le Vietnam (2020), la Nouvelle-Zélande (2023), le Kenya ou le Chili (2024). Peu importe les pays tiers avec lesquels se rapproche l’Union, les élus français tiennent la même ligne : seul Renew, le groupe dont font partie les macronistes, vote en faveur de ces textes.

Dans les autres camps, les eurodéputés français sont réticents. « Il faut dissiper un malentendu : on peut continuer à commercer sans accords de libre-échange », fustige Emmanuel Maurel, eurodéputé du groupe de gauche radicale The Left, qui dit déplorer une « croyance quasi religieuse que le commerce est bon en soi ». Lydia Massard, eurodéputée du groupe Verts/ALE, ajoute que les accords de libre-échange peuvent porter atteinte aux populations autochtones, en favorisant les grands groupes qui utilisent les terres agricoles pour l’exportation (comme celui avec le Kenya, qui exporte majoritairement des fleurs vers l’Europe).

La position des Républicains « choque » particulièrement Marie-Pierre Védrenne, députée Renew. Leur tête de liste, François-Xavier Bellamy, affirme son hostilité aux accords de libre-échange. L’eurodéputé explique que « la France, en réalité, est très peu compétitive parce que le poids des normes qui sont imposées à nos producteurs est très supérieur à toutes les contraintes que peuvent subir d’autres producteurs mondiaux ». Mais cette position se situe à rebours de celle de leurs partenaires du Parti populaire européen (PPE, majoritaire au Parlement) qui ont voté les quatre accords avec plus de deux tiers des suffrages. M. Bellamy argue qu’il existe « une sensibilité française » qui s’explique « dans la balance commerciale de la France, qui a enregistré un déficit record de plus de 100 milliards d’euros [en 2022] ».

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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