PORTRAIT – À seulement 23 ans, son entreprise «Le coin du pâtissier» cartonne sur Instagram et TikTok grâce à ses pâtisseries dont il a fait son business. Son concept de box mensuelle, lancé en 2020, lui permet désormais de côtoyer les plus grands.
Originaire de Saint-Cyr-sur-Loire, Dorian Tudeau, a déjà tout d’un grand. Après un CAP pâtissier de deux ans à Tours suivi d’un CAP chocolatier d’un an à Rennes, il intègre les équipes de Pascal Caffet à Troyes, l’un des meilleurs ouvriers de France avec lequel il fait ses armes. Fort de cette expérience, l’idée lui vient alors de lancer sa propre entreprise. Mais difficile de se lancer dans l’entreprenariat à seulement 19 ans. «Les entreprises ne voulaient pas me référencer en tant que fournisseur pour que je bénéficie de prix compétitifs. Ils ne croyaient pas en mon projet». Du côté de sa famille, le son de cloche est le même. «Lorsque j’ai exposé mon projet à mes parents, ils ne m’ont pas pris au sérieux me demandant de trouver un vrai travail».
En 2020, en pleine période de confinement, Dorian a alors l’idée de faire des lives sur les réseaux sociaux pour booster sa visibilité. Sandrine Quétier ou encore Delphine Wespiser acceptent son invitation à se mettre derrière les fourneaux et partagent des recettes avec lui sur Instagram, de quoi grapiller des abonnés. Le Covid lui permet donc de mûrir son projet, chômage partiel oblige. Malgré les réticences, il lance ainsi la box du pâtissier en septembre de la même année. «L’idée est donc de fournir le matériel à faible coût pour faire de la pâtisserie avec un cours vidéo réalisé par mes soins et un livret» chaque mois. Naissent les box «éclairs pomme» avec une poche à douille, la box «fraisier 2.0» avec une spatule, la box «tarte au citron meringuée» avec le cercle à tarte.
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«À chaque box vendue, je perdais quatre euros»
Les débuts ne sont pas à la hauteur de ses attentes, et tournent même au fiasco. Dorian confesse : «à chaque box vendue, je perdais quatre euros. J’ai vendu seulement 17 box le premier mois, j’étais dégouté. C’était la désillusion. Le deuxième mois, ça tournait autour de 50 ventes. Au bout de quatre mois, j’ai franchi le cap des cent ventes». Une progression qui permet de gagner la confiance des entreprises. «Les marques ont commencé à venir vers moi comme j’avais plus d’abonnés et que le concept prenait. Elles m’ont fait des tarifs préférentiels et je travaillais en local avec des manufactures près de Tours».
À mesure que la box du pâtissier gagne des clients, les questions logistiques se posent. Dorian est dépassé par l’ampleur des ventes. «Je préparais les colis dans le salon, puis dans le garage. Mes parents m’aidaient, puis ma sœur. Sont ensuite venus mes voisins et mes amis pour traiter jusqu’à 1800 box». Création, marketing, recettes, comptabilité, logistique et même SAV, le jeune pâtissier est multi-casquettes pendant plusieurs mois. Le rythme est effréné à tel point qu’il doit commencer à déléguer. «En septembre 2022, j’ai confié cela à un centre logistique tout en gardant un œil dessus, c’est devenu professionnel». De quoi soulager sa famille et ses amis.
Pâtissier du show-business
Le succès de la box se double de performances sur Instagram et TikTok. Une de ses vidéos d’éclair postée sur Facebook dépasse le million de vues. Reconnaissable parmi des centaines de compte, le pâtissier aux gants noirs et à la bague dorée, sa signature, veut se démarquer en «apportant du divertissement à la pâtisserie». Dorian trouve alors l’idée de confectionner des gâteaux XXL qu’il offre aux plus démunis ou aux services publics comme les hôpitaux, les mairies et les écoles. Ses gâteaux pèsent «10 à 20 kilos» et coûtent environ «200 euros» de matière première, les vues qu’il accumule lui permettent ainsi de devenir rentable en remboursant le coût investi. Une visibilité dont le jeune homme se sert également lors des missions humanitaires qu’il réalise. Lors de ses voyages au Tchad ou au Congo, sa «communauté (lui) a permis de récupérer des fonds grâce à des stories».
Avec une communauté de plus en plus grande, 500.000 sur Instagram et 700.000 sur TikTok, le Tourangeau est repéré par des personnalités. Le youtubeur aux sept millions d’abonnés, Inoxtag, lui commande son gâteau pour fêter ses 20 ans tout comme le chanteur Dadju quelques mois plus tard. L’exposition médiatique l’oblige à s’entourer d’un staff afin de «mieux négocier les contrats, être encadré, avoir des moyens techniques» faute de temps.
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«J’ai embauché ma mère»
Fort du succès des box et des réseaux, Dorian multiplie les projets. En 2023, il a lancé avec son associé NoSense, un service de personnalisation de macarons destinés «à la communication des entreprises». Le pâtissier explique qu’il s’agit uniquement de prestations en «B to B», et une fois de plus le succès est au rendez-vous. Il travaille pour la sortie de la série de Dadju, le tournoi de tennis de Roland-Garros, la Paris Fashion Week, la coupe du monde de rugby, Jacquemus, des séminaires Tesla et même le JETEX Dubai. Il raconte d’ailleurs avoir préparé «600 macarons pour Matignon» destinés à l’ancienne première ministre Elisabeth Borne. En fin d’année, il a même livré en personne la famille Zidane à l’occasion des fêtes de fin d’année en se déplaçant près d’Aix-en-Provence pour livrer la «légende».
Très soucieux de l’anti-gaspi, Dorian a par ailleurs lancé HIGEA, une marque de sucre de fruits. Il explique qu’il s’agit de «récupérer des fruits de Rungis voués à être jetés». Le produit commercialisé sous forme liquide «possède un pouvoir sucrant deux fois plus fort que le sucre classique et un indice glycémique particulièrement bas». C’est une innovation sur le marché qui «pourrait être une solution pour les diabétiques» affirme-t-il. Malgré tout, il préfère relativiser quant au potentiel de cette activité. «La machine dont nous avons besoin coûte plus de 17 millions d’euros, actuellement on doit la louer pour la production». Il imagine une «levée de fonds et de la publicité pour faire connaître HIGEA au grand public» dans les prochaines années.
Avec autant d’activités, Dorian Tudeau est incontestablement en train de se construire un nom dans le petit monde de la pâtisserie. Son business profite même à son entourage. «J’ai embauché ma mère, elle a quitté son travail pour venir travailler avec moi sur les box. J’aimerais employer mon père en tant que pâtissier pour la personnalisation des macarons. Mon alternant est aussi mon meilleur ami». Pour autant, Dorian souhaite rester proche de ses terres, il loue «un local près de Tour de plus de 100m2» où il pâtisse et réalise ses vidéos pour Instagram. Un succès qui l’aide à prendre confiance en lui : «les réseaux sociaux m’ont aidé à vaincre ma timidité», laisse-t-il entendre. Avec 800 à 1.000 box écoulées chaque mois et des partenariats avec des hôtels prestigieux comme celui de Pourtalès qui lui permettent de travailler pour «Leonardo di Caprio, Chris Brown et même les Kardashian», le jeune pâtissier ne cache pas ses ambitions. Il aspire dorénavant à travailler pour des grandes compagnies comme «la SNCF et Air France, mais il faut avoir les épaules et les moyens» relativise-t-il. Sûrement une question de temps.
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