La photo avait fait le tour du monde à l’été 2013. Deux PDG trinquaient pour fêter leur mariage face à l’Arc de triomphe. Maurice Levy, le patron du français Publicis, et John Wren, celui de l’américain Omnicom, célébraient la naissance du premier groupe mondial de publicité. Six mois plus tard l’humeur avait changé. Pour n’être tombé d’accord sur rien, et notamment sur le nom du chef, les deux entreprises avaient rompu avant d’avoir consommé.
C’est probablement la meilleure chose qui soit arrivée à Publicis, nous rappelant opportunément que les fusions géantes sont rarement de bonnes affaires. Contrainte de se développer par elle-même, Publicis a multiplié les investissements dans la technologie, lui assurant aujourd’hui une avance mondiale dans son métier. Numéro un du secteur à égalité avec le britannique WPP, elle affiche une rentabilité record, qui lui assure une valorisation boursière trois fois supérieure à celle de son rival.
Cela n’empêche pas Omnicom de tenter, une nouvelle fois, l’aventure du mariage. John Wren, toujours à la manœuvre, veut absorber le numéro quatre de la bande, Interpublic. En baisse de forme, cette dernière cherche à se vendre pour éviter la catastrophe. Car il flotte un petit parfum de panique chez les « Mad Men », comme on appelait, dans une série télévisée célèbre, les rois de la pub dans les années 1960 du côté de Madison Avenue à New York.
Les « GAMAB » siphonnent les profits
Cet âge d’or des grandes agences est terminé depuis longtemps. Non pas que la publicité soit en déclin, mais ses bénéfices ne vont plus aux anciens faiseurs de rois, adulés pour avoir inventé des slogans chocs pour Apple, Disney ou L’Oréal, mais aux empereurs de la technologie. Google a ouvert la voie, suivi par Amazon, Meta, et enfin les chinois Alibaba et ByteDance (maison mère de TikTok).
Ces « GAMAB » siphonnent l’essentiel des profits du secteur, car ils possèdent à la fois les outils (logiciels), les espaces (places de marchés) et les informations (données). Selon la dernière étude de GroupM, filiale de WPP, ils représentent à eux seuls plus de 50 % du marché mondial de la pub, qui devrait dépasser cette année pour la première fois les 1 000 milliards de dollars (environ 947 milliards d’euros). La publicité numérique devrait représenter en 2025, selon GroupM, les trois quarts de ce total. Et l’arrivée de l’intelligence artificielle accentuera cette tendance en automatisant les tâches, de la création au ciblage marketing. Les nouvelles noces d’Omnicom ne changeront pas cette donne. Même si, cette fois, il n’y aura pas de bataille de chefs.
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