Les autorités portuaires de Baltimore, dans l’État du Maryland, ont établi un couloir de navigation pour dégager les décombres du pont Francis Scott Key, qui s’est effondré dans la nuit du lundi 25 au mardi 26 mars. Cette première étape marque le début d’une reprise progressive de l’activité pour l’un des principaux ports des États-Unis.
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Pour la première fois depuis l’effondrement du pont, provoqué par un porte-conteneurs qui s’est encastré en pleine nuit dans un pilier, un bateau a transité, lundi 1ᵉʳ avril, par le couloir temporaire mis en place afin de laisser passer les navires considérés comme « essentiels ». Il s’agit d’un remorqueur poussant une barge de carburant destinée à ravitailler les avions de la Dover Air Force Base, une base aérienne de l’armée américaine, dans l’État voisin du Delaware.
Ce couloir, dans un premier temps, sera réservé aux bâtiments impliqués dans les opérations de déblayage et de secours. Puis, le port s’ouvrira à d’autres navires, dès lors que les travaux auront permis l’élargissement du canal. Ce corridor mesurera 3,4 mètres de profondeur pour 80 mètres de large. Actuellement, son étroitesse ne permet pas le passage de navires plus larges. C’est « insuffisant pour que des porte-conteneurs ou des cargos puissent l’emprunter », a détaillé à l’AFP une porte-parole des garde-côtes.
Un second canal, qui permettrait l’accès de navires plus grands, est en cours d’ouverture, et devrait être accessible « dans les prochains jours », a assuré le gouverneur du Maryland, Wes Moore.
Plusieurs secteurs critiques touchés
Le port de Baltimore joue un rôle stratégique, en particulier pour les secteurs de l’automobile, du charbon et du sucre. Deuxième plaque tournante aux États-Unis pour le transit de l’aluminium, du cuivre ou encore du charbon, il est aussi le principal point d’entrée pour les voitures neuves, avec plus de 800 000 voitures en 2023, ainsi que pour les importations de sucre.
La perte d’activité est estimée à près de 50 millions de dollars par jour, selon les chiffres de l’Institut d’études économiques régionales de l’université de Towson dans le Maryland, parus dans The Economist.
En 2023, plus de 52 millions de tonnes de marchandises étrangères sont entrées aux États-Unis via le port de Baltimore, soit près de 80 milliards de dollars. Cependant, selon plusieurs experts, les conséquences économiques de l’accident devraient avoir un effet limité sur l’économie américaine, car les navires peuvent se déporter sur d’autres infrastructures portuaires de la côte est.
Un autre défi majeur est celui du transport terrestre de certaines matières dangereuses, évoque sur Bloomberg Brandon Daniels, spécialiste de la chaîne d’approvisionnement. « Les routes sont aussi affectées par l’effondrement du port, en particulier la route 8695, qui est la voie privilégiée pour le transport des matières dangereuses comme l’essence en vrac, le gaz propane, les explosifs, les matières radioactives, qui sont supposées passer par cette route. Ces flux de matières seront ralentis dans un avenir proche. »
Pour ce spécialiste, des leçons doivent être tirées de cet incident : « Les ponts vont devoir être renforcés, nous devons en construire davantage, et avoir des canaux alternatifs. Des mesures de surveillance accrue devront également être mises en place pour l’arrivée des gros porte-conteneurs au port, incluant un meilleur éclairage et davantage de voies de navigation. »
L’état inquiétant des ponts américains avait été pointé du doigt par l’administration Biden pour faire passer, en 2021, une loi envisageant 1 200 milliards de dollars d’investissement pour moderniser les infrastructures de tout le pays.
Joe Biden sur place
L’affaire prend aussi une tournure politique. Le président américain, Joe Biden, en campagne pour sa réélection face à son prédécesseur républicain Donald Trump, doit se rendre sur place vendredi 5 avril. Alors que 60 millions de dollars ont été débloqués par le gouvernement fédéral, le coût total de la reconstruction du pont est estimé à 2 milliards de dollars. « Mon intention est que le gouvernement fédéral paie l’intégralité du coût de reconstruction de ce pont, et je m’attends à ce que le Congrès soutienne mes efforts », a déclaré Joe Biden. Mais l’obtention de ces fonds est loin d’être assurée dans le contexte politique actuel.
Les républicains, alignés sur le mouvement « MAGA » (« Make America Great Again ») de Donald Trump, pourraient entraver l’octroi de l’aide, tout comme ils l’ont fait pour l’Ukraine. Certains d’entre eux ont d’ores et déjà déclaré qu’ils rejetteraient les propositions de financement, faisant planer l’ombre d’un nouveau bras de fer avec l’exécutif.
Après l’effondrement du pont, ces élus avaient déjà cherché à récupérer, politiquement, la catastrophe, pointant du doigt les fonds destinés à l’énergie verte et aux initiatives pour la diversité. « C’est ce qui se passe lorsque vous avez des gouverneurs qui privilégient la diversité au détriment du bien-être et de la sécurité des citoyens », avait par exemple écrit un législateur de l’Utah sur X (ex-Twitter).
Vendredi 5 avril, Joe Biden rencontrera le gouverneur du Maryland, ainsi que des responsables de l’État et des représentants locaux. Ce passage à Baltimore, au-delà de sa dimension locale, revêt indéniablement un aspect national, à sept mois du scrutin présidentiel.
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