Taxe lapin : « Les incitations monétaires peuvent s’avérer contre-productives »

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Les taxes sont certes un outil de financement des collectivités publiques, mais elles constituent également un outil de pilotage particulièrement efficace des décisions que prennent les acteurs de l’économie. La modulation du poids de la fiscalité, alourdie pour certaines activités et allégée pour d’autres, vise en effet à favoriser les décisions conformes à l’objectif poursuivi par le décideur public et à dissuader celles qui le sont moins.

La force de la fiscalité est qu’elle crée les conditions pour que ces signaux soient directement suivis d’effet : les variations de prix qui vont de pair avec la modulation des taux de taxe tendent naturellement à décourager les décisions les plus taxées au bénéfice de celles dont la taxation se voit allégée. Loin de constituer une forme de signal social, de « socio-score », visant à stigmatiser certaines décisions et à en louer d’autres, la fiscalité fonctionne ainsi comme une console de contrôle du décideur public, permettant un pilotage fin des décisions économiques.

Lorsqu’une municipalité décide de faire varier le coût du stationnement des véhicules les plus polluants (et/ou qui occupent une place plus importante de l’espace public), il ne s’agit pas, par exemple, de sanctionner les propriétaires de ces véhicules. L’objectif est simplement d’en augmenter le coût d’usage, de telle sorte qu’il devienne plus avantageux de faire des choix d’achat de véhicule plus conformes aux objectifs de réduction de la pollution et d’utilisation de l’espace public.

Les effets inattendus des incitations financières

L’efficacité des taxes, et plus généralement des sanctions financières, tient donc à leur capacité à faire basculer les choix de consommation et de production vers les options qui sont devenues plus avantageuses en raison des variations de prix. Les réflexions actuelles sur la possibilité d’introduire une taxe visant à sanctionner les patients qui n’honorent pas un rendez-vous médical (dite « taxe lapin ») participent du même raisonnement.

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Une telle mesure serait efficace si la sanction modifiait uniquement les conséquences financières de tels comportements. Mais de nombreux travaux de recherche récents montrent que les incitations financières ont des effets inattendus sur les décisions qui comportent une dimension morale, car elles présentent un risque important d’éviction de ces motivations morales au profit de décisions fondées uniquement sur un raisonnement financier.

Cette idée a fait son apparition dans la pensée économique à l’occasion d’un intense débat entre le père fondateur des recherches en politiques sociales, le Britannique Richard Titmuss (1907-1973), et les plus fameux économistes des années 1970, qui étaient convaincus que les forces de marché s’appliquaient à toute forme de bien et affirmaient par exemple que l’introduction de récompenses financières pour les dons de sang ne pouvait qu’en accroître l’offre.

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Source du contenu: www.lemonde.fr

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