Officiellement éteint dans les années 1970, le plus ancien cheval sauvage a été réintroduit avec succès 40 ans plus tard en Mongolie, sa terre d’origine, notamment grâce au travail d’une association française, Takh, installée dans le sud de la France, sur le Causse Méjean.
C’est un paysage de steppes. De rares arbustes surgissent des herbes jaunies par un été solaire, chaud et sec. Nous ne sommes pas en Mongolie, mais sur le Causse Méjean, dans les Cévennes françaises, dans le sud du Massif central, où vivent les plus anciens chevaux sauvages de la planète, des chevaux de Przewalski, une espèce pourtant portée disparue il y a une quarantaine d’années dans les steppes mongoles. « C’est un petit peu au petit bonheur à la chance de les croiser ici », prévient Pauline Jouhanno, de l’association Takh (takh, en mongol, signifie cheval sauvage), créée en 1990 pour la sauvegarde et la renaissance du cheval de Przewalski. Et on peut dire qu’on a de la chance, en ce matin du mois d’août.
Devant nous, à une dizaine de mètres, se trouvent deux équidés paisibles, au gabarit proche du poney, robe beige, le bas des pattes zébré : deux chevaux de Przewalski que nous présente Julie Morisson, médiatrice scientifique au sein de l’association Takh. « Guizmo et Rouquet, deux étalons célibataires qui sont juste de l’autre côté de la clôture, en position de repos, en tête-à-queue pour que la queue de l’un chasse les mouches des yeux de l’autre. Vous ne sentez pas une différence ici qu’il n’y avait pas tout à l’heure quand on marchait ? Il y a du vent ! Il n’y a pas d’arbres, donc quand il fait très chaud, le cheval de Przewalski va chercher le courant d’air. »
Steppe cévenole
En plein été, il fait chaud sur le Causse Méjean, ce haut plateau vallonné dans le département de la Lozère, à 800 mètres d’altitude. Chaud l’été et froid l’hiver, comme en Mongolie, la terre d’origine du cheval de Przewalski. Ici, ce sont 40 chevaux qui vivent en semi-liberté, dans deux enclos de 400 hectares au total, sans contact avec l’humain, dans un paysage semblable aux steppes de Mongolie – nous sommes dans la steppe cévenole. « C’est très aride, très nu, décrit Pauline Jouhanno. On a ce qu’on appelle des pelouses calcaires. Le sol calcaire ne permet pas à l’eau de rester en surface, tout s’écoule, ce qui fait que la végétation est très rase, très sèche. »
Les premiers chevaux de Przewalski (l’espèce doit son nom occidental à un colonel russe d’origine polonaise qui l’a « découverte » à la fin du XIXe siècle) sont arrivés sur le Causse en 1993. En provenance de zoos, parce qu’à l’état sauvage, le cheval sauvage avait complètement disparu – un dernier individu avait été aperçu en 1969 dans le désert de Gobi. « Lorsque les Européens sont allés chercher des poulains de Przewalski en milieu naturel pour les mettre dans des zoos au début des années 1900, la stratégie à l’époque était d’abattre la totalité des adultes accompagnant les poulains, raconte Julie Morisson. Forcément, c’est une espèce qui sait très bien se défendre. Face à un stress, elle s’organise socialement pour faire face aux prédateurs. »
Unis face aux prédateurs
Mais puisqu’on n’est pas un prédateur, peut-on le caresser, ce cheval sauvage ? « Non, pas du tout ! Socialement, ils vont tellement s’organiser de manière puissante que même si vous ne connaissez pas le comportement des chevaux, vous allez vous douter qu’il faut arrêter de s’approcher ! », sourit Julie Morisson, qui a sorti une paire de jumelles pour observer au loin d’autres chevaux, avant qu’ils ne repassent derrière la colline.
En 2004, l’association Takh a envoyé en Mongolie une vingtaine de ses chevaux. Un programme de réintroduction réussi. « C’est plutôt rassurant de voir qu’en Mongolie ces chevaux arrivent à se reproduire, à survivre et à continuer de se défendre face aux attaques de loups. On a eu quatre attaques avérées de prédation de loup sur poulain en une vingtaine d’années seulement, donc c’est plutôt prometteur. » Plusieurs centaines de chevaux de Przewalski vivent aujourd’hui en Mongolie, grâce à l’association Takh et d’autres programmes de réintroduction. Officiellement déclaré « éteint à l’état sauvage » dans les années 1970, le cheval de Przewalski n’est aujourd’hui plus qu’une espèce « en danger ». Une espèce ressuscitée.
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