Les forêts du Bassin du Congo ou d’Amazonie sont de précieux puits de carbone. Mais la fragmentation des forêts tropicales menace les arbres et leur rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique.
C’est une route, un champ, ou une mine, plantés au milieu de la forêt tropicale, au Congo-Kinshasa, en Amazonie ou en Indonésie. Les arbres sont là, tout près. Mais ils sont plus vulnérables en lisière des forêts. C’est ce qu’on appelle « l’effet-lisière ».
« Ces bords de forêts vont être exposés à des conditions environnementales qui vont modifier la structure de ces forêts, explique Lilian Blanc, écologue forestier au Centre international de recherche agronomique pour le développement (Cirad). Par exemple, la taille des arbres va être plus petite que celle qu’on va trouver au cœur de la forêt. Là où les arbres vont être protégés du vent en plein cœur d’une forêt, ils subiront en bord de forêt des coups de vent, ce qui peut provoquer leur chute. Il y a aussi des problèmes de sécheresse : l’effet du soleil va être beaucoup plus fort sur ces bordures-là. Là aussi, ça peut augmenter la mortalité des arbres. » Sans parler des incendies.
Cet effet-lisière, on le pensait jusqu’ici limité à une centaine de mètres. Mais le mal est plus profond, comme le révèle une étude publiée dans Nature, menée grâce à des observations satellite de la canopée. « Notre étude a montré que l’effet-lisière pouvait être mesurable jusqu’à 1,5 km à l’intérieur des forêts, notamment pour les forêts asiatiques, là où l’effet-lisière est le plus fort. Mais même pour les forêts africaines ou amazoniennes, on a des effets jusqu’à 400 ou 500 mètres », poursuit Lilian Blanc, co-auteur de cette étude.
Puits de carbone dégradés
Des arbres plus petits et plus vulnérables, c’est moins de biodiversité, et moins de CO2 absorbé. Les forêts tropicales humides sont des puits de carbone menacés, pas seulement quand les arbres sont abattus. « Quand on calcule l’ensemble des surfaces de lisière forestière dans ces forêts tropicales humides, on a 18% de ces surfaces dégradées par rapport à ce qu’on peut trouver au cœur d’une forêt, précise Lilian Blanc. Les surfaces dégradées dans les forêts tropicales humides, à l’échelle de la planète, représentent une surface bien supérieure à celle de la déforestation. Et cette dégradation des forêts, c’est aussi une émission de carbone dans l’atmosphère, et donc une accentuation des changements climatiques. »
La fragmentation et la dégradation des forêts tropicales sont moins visibles, moins médiatisées et moins documentées que la déforestation. Mais leurs conséquences sont tout aussi délétères.
À lire aussiForêts tropicales : ils s’engagent
La question de la semaine
«Les forêts vierges sont-elles impénétrables?»
Disons qu’elles n’ont jamais été pénétrées par l’homme et ses activités nuisibles. C’est la définition de ce qu’on appelle aussi « forêt primaire », aux arbres millénaires. Ces forêts-là ne représentent plus qu’un tiers des forêts de la planète. Mais elles n’échappent pas aux conséquences des activités humaines, comme le montre une étude sur les forêts tropicales publiée cette semaine dans la revue Nature Geoscience. La pollution à l’ozone perturbe la photosynthèse et réduit la capacité des arbres à absorber le CO2 : 17% en moins depuis 2000, ce qui représente près de 300 millions de tonnes de CO2. Dans les forêts vierges, c’est l’immaculée pollution.
Source du contenu: www.rfi.fr