Il y a de l’électricité dans la nature. Une étude scientifique vient de montrer pour la première fois le rôle de l’électricité statique dans la pollinisation des fleurs par les papillons.
Souvent, dans la nature, les contraires s’attirent… et c’est ce phénomène physique que des scientifiques viennent de mettre en lumière sur les papillons et le pollen (les gamètes mâles) des fleurs, dans une étude publiée la semaine dernière dans la revue britannique Interface. Les papillons, en battant des ailes, se chargent d’ions positifs qui attirent le pollen d’une fleur chargée, elle, d’ions négatifs, lorsque les lépidoptères viennent se nourrir du nectar offert par la plante. L’électricité statique agit comme une espèce d’aspirateur à pollen. « Un bon exemple, c’est quand on prend un ballon de baudruche et qu’on le frotte sur nos cheveux : le ballon de baudruche reste collé à notre tête, explique Benoît Gilles, entomologiste, spécialiste des insectes. Comme le papillon est chargé électriquement et que le pollen est chargé différemment, il y a un effet aimant qui fait que le grain de pollen est attiré et va se coller à l’insecte. »
Ce sont même une centaine de grains qui sont « aimantés », comme l’ont mesuré les auteurs de l’étude, ce qui permet d’assurer la pollinisation quand le papillon ira sur une autre fleur. Le même phénomène est alors à l’œuvre : le pollen se charge d’ions positifs pendant le vol du papillon, avant d’être attiré par la fleur chargée d’ions négatifs. Après le paiement sans contacts, voici la fécondation sans contact.
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L’orchidée et le papillon
Cette étude a d’ailleurs le mérite de rappeler le rôle des papillons dans la reproduction des plantes, parce qu’il n’y a pas que les abeilles qui pollinisent les fleurs ! Le père de la biologie moderne, Darwin, en étudiant une fleur malgache, avait prédit que seul un papillon pouvait la féconder. « L’orchidée de Darwin, à Madagascar, a une hampe florale de plus de 20 centimètres. Pendant 100 ans, tout le monde recherchait le papillon adapté pour aller cueillir le nectar au bout de la hampe et donc pour féconder la fleur. Ce n’est qu’il y a quelques dizaines d’années qu’on a pu trouver un sphinx qui avait une trompe de plus de 17 centimètres. La plante et l’insecte sont totalement associés l’un à l’autre. Donc, s’il n’y a pas l’insecte, il n’y a pas la fleur. Et s’il n’y a pas la fleur, il n’y a pas l’insecte », rappelle Benoît Gilles.
L’électricité est dans la nature
Mais revenons à notre électricité statique, présente chez les papillons, comme on vient de le découvrir, mais aussi chez des abeilles et des bourdons. Et là encore, la nature est bien faite. « Une fois que l’insecte vient butiner, ça dépolarise la fleur, poursuit le fondateur du magazine en ligne Passion Entomologie. Ce qui fait que l’insecte qui arrive après se dit : tiens, cette fleur n’est pas chargée d’électricité statique, donc c’est que quelqu’un est passé il y a peu de temps, donc je m’en vais. Ça évite aussi à l’insecte de butiner deux fois la même fleur. »
Le phénomène de l’électricité statique a des applications souvent méconnues parmi la biodiversité. Une chenille, par exemple, peut détecter la charge positive d’une guêpe, pour s’en protéger. « La chenille est capable de savoir si une guêpe est en approche et déclencher un comportement de défense, décrit Benoît Gilles. En fait, la capacité des insectes à utiliser l’électrostatique a l’air d’être beaucoup plus large et courant que ce qu’on pouvait croire. » La nature est électrique.
La question de la semaine
«Le pollen, c’est comme les spermatozoïdes?»
Ça y ressemble : comme un spermatozoïde se dépose sur l’ovule d’une humaine par exemple, le pollen féconde les étamines d’une fleur. Un grain de pollen a à peu près la même taille qu’un spermatozoïde, microscopique, une cinquantaine de microns pour les plus gros. Mais ce sont les plus petits pollens qui provoquent des allergies. On peut pourtant consommer du pollen dans les régimes alimentaires, parce qu’il est plein de vitamines et de protéines. Comme les spermatozoïdes.
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