C’est dans ta nature – Sous les vagues, la pollution sonore

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Le transport maritime, la prospection minière sous-marine, les activités militaires et même touristiques ont des effets dévastateurs sur la biodiversité marine.

(Rediffusion du 2 décembre 2023)

C’est l’une des promesses du gouvernement français, formulée ce lundi 27 novembre à l’occasion de la présentation de la Stratégie nationale biodiversité 2030, pour tenter d’enrayer l’effondrement du vivant provoqué par les activités humaines et la crise climatique : lutter contre les pollutions sonores sous-marines. Un phénomène largement ignoré, souvent sous-estimé, voire inconnu.

La bioacousticienne française Isabelle Charrier l’a par exemple expérimenté alors qu’elle étudiait en mer Méditerranée la présence du phoque moine de Méditerranée, une espèce en danger d’extinction : « On s’est rendu compte que l’environnement dans lequel il vit est ultra-bruyant. Je ne m’attendais pas du tout à ça », avoue la directrice de recherche au CNRS.

À écouter aussi«La Rivière», portrait filmé d’un écosystème menacé

Isabelle Charrier l’a constaté partout sur la planète : le bruit anthropique, le bruit généré par les activités humaines, a des conséquences sur la biodiversité. Son équipe a ainsi mesuré en Australie du stress, des perturbations dans l’allaitement des bébés otaries, provoqués par le bruit des bateaux en mer et des touristes sur terre. En Afrique du Sud, la population des manchots du Cap a brutalement baissé de 90% en quelques années. L’explication est sans doute à chercher du côté des humains. « Cette baisse coïncide avec le développement du port de Port-Elizabeth, avec une augmentation du trafic maritime assez drastique, relève Isabelle Charrier. Les manchots du Cap évitent probablement les zones bruyantes, qui sont aussi les zones où il y a du poisson… »

Le bruit tue

Les activités humaines sont nuisibles, du simple jet ski utilisé par un vacancier à l’énorme tanker qui transporte le pétrole responsable du changement climatique. Les activités minières en mer sont particulièrement polluantes, comme l’a montré une étude internationale publiée dans la revue Science en 2022 : le bruit provoqué par une mine sous-marine peut parcourir 500 kilomètres. Aucun endroit dans l’océan ne serait ainsi épargné par les nuisances sonores. On est bien loin du Monde du silence décrit par l’océanographe français Jacques-Yves Cousteau…

Dans l’eau, le son se propage cinq fois plus vite que dans l’air. Les cétacés, comme les baleines, peuvent ainsi communiquer à des kilomètres de distance. Mais avec la pollution sonore, leur reproduction serait menacée. Des baleines ont même été tuées par le bruit brutal de sonars militaires. Surpris et effrayés par ces sons intempestifs, « des cétacés, qui sont en quelque sorte des plongeurs professionnels, peuvent avoir des accidents de plongée, raconte Isabelle Charrier. La remontée à la surface se fait tellement vite que ça génère des hémorragies internes qui sont souvent fatales. » On a aussi observé des mouvements de panique provoquée par du bruit dans des colonies de morses, comme il y a des mouvements de foule, avec des animaux écrasés. La pollution sonore est invisible, mais elle fait des dégâts.

Non, si l’on en croit le titre d’une chanson du groupe de hard rock australien AC/DC Rock and Roll Ain’t Noise Pollution (« Le rock n’est pas une pollution sonore ») enregistrée en 1980. Bien des années après, des chercheurs américains ont voulu le vérifier. Ils ont recréé en laboratoire un mini-écosystème, avec du soja, des coccinelles et des pucerons. Ils ont soumis ce milieu naturel à de la musique, pendant des heures, en diffusant tous les genres de musique. Croyez-le ou pas, seuls le rock et les chansons d’AC/DC ont perturbé la nature. À leur écoute, les coccinelles ont moins joué leur rôle de prédateurs contre les pucerons, qui ont alors proliféré et dévoré le soja.

Source du contenu: www.rfi.fr

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