La COP16 sur la biodiversité s’est achevée samedi 2 novembre à Cali, sans un accord sur le financement d’un fonds pour stopper la destruction de la nature d’ici à 2030. Et la COP29 sur le climat va commencer à Bakou lundi 11 novembre. Ces deux COP sont séparées, pourtant la biodiversité et le climat sont profondément liés. Le réchauffement planétaire a de nombreux impacts sur le vivant. Mais l’inverse est vrai aussi. Comment la biodiversité affecte-t-elle le climat ?
Les effets du changement climatique sur la biodiversité sont démontrés par de nombreuses études scientifiques. Les coraux blanchissent et meurent car la température de la mer est devenue trop élevée. Les oiseaux changent leurs routes de migration, ou décalent leur départ, car les saisons sont bouleversées. Mais ce dont on parle un peu moins, c’est qu’en retour, la biodiversité joue aussi un rôle sur le climat.
Prenons un premier exemple. À cause du réchauffement climatique, on observe ce qu’on appelle une redistribution du vivant. C’est-à-dire qu’en raison de l’augmentation des températures, de nombreux animaux, mais aussi des végétaux, se déplacent pour trouver des conditions plus favorables. C’est le cas dans les montagnes, où les forêts s’étendent vers les hautes altitudes, où elles prennent la place des glaciers et de la neige qui reculent. Mais la forêt ne se comporte pas de la même façon, face aux rayons du soleil, que la neige ou les glaciers.
« Une surface enneigée, qui est blanche, va plus réfléchir les rayons du soleil qu’une surface de forêt qui est verte ou brune en hiver si les arbres ont perdu leurs feuilles », explique Jonathan Lenoir, chercheur en écologie au CNRS, basé à l’université de Picardie Jules Verne.
L’effet albédo, un cercle vicieux dans les montagnes
Les glaciers ont un albédo plus élevé que la forêt, car leur surface blanche réfléchit plus les rayons du soleil que la couleur sombre des arbres, qui absorbe les rayons.
« Quand on a de la neige ou des espaces couverts par la glace, l’effet albédo va plutôt ralentir le réchauffement climatique. Alors que si on modifie cet albédo avec une couverture végétale, on va observer un effet qui favorise l’emballement climatique », poursuit l’écologue.
C’est ce qu’on appelle une boucle de rétroaction positive : à cause du changement climatique, les glaciers reculent, ce qui entraîne une extension de la forêt vers les hautes altitudes, la forêt absorbe les rayons du soleil, ce qui amplifie le réchauffement climatique dans les montagnes, ce qui aggrave le recul des glaciers, la forêt s’étend encore, etc.
Ce phénomène existe dans les montagnes, mais aussi sous les hautes latitudes de la planète. Dans les régions arctiques, les surfaces enneigées reculent de plus en plus vers le Nord, et elles sont remplacées par des forêts, entraînant le même cercle vicieux.
Les rivières du ciel, faiseuses de pluie
Le vivant n’a pas seulement un effet sur les températures. Il peut aussi influencer le cycle de l’eau.
Dans les grandes forêts tropicales, comme celles de l’Amazonie ou du bassin du Congo, les arbres évaporent de l’humidité par leurs feuilles. Cette humidité monte et s’accumule dans l’atmosphère, puis elle est transportée par de grands courants qu’on appelle les rivières du ciel. Ces rivières volantes pleines de vapeur d’eau peuvent apporter des précipitations très loin, même dans d’autres régions de la planète. Donc, la déforestation des grandes forêts tropicales a des conséquences sur les pluies qui tombent, bien loin de la zone détruite.
On sait aussi que les forêts captent le carbone, grâce à l’activité de photosynthèse des arbres. Les mangroves, par exemple, ont des capacités de stockage du carbone très élevées, donc restaurer ces milieux va contribuer à atténuer le réchauffement climatique. Mais en cas d’incendies, les surfaces couvertes par des plantes ou des arbres vont au contraire émettre tout le CO2 qu’elles stockaient.
En fait, le vivant peut agir sur le climat dans les deux sens. Il peut, dans certains cas, avoir un effet amplificateur du réchauffement planétaire. Notamment dans le cadre d’une boucle de rétroaction positive, comme celle décrite plus haut. Cependant, des études montrent que le plus souvent, les actions qui visent à limiter la perte de biodiversité vont dans le sens de l’atténuation du changement climatique.
Des baleines stockeuses de carbone
Cela vous surprendra peut-être, mais protéger les baleines permet de limiter le réchauffement de la planète. Parce que leurs déjections fertilisent la surface des océans. Cela favorise le développement du phytoplancton. Ces petites algues microscopiques captent le carbone, qui entre alors dans les chaînes alimentaires marines, et à la fin, il finit par tomber au fond de la mer, dans le cadavre d’un poisson par exemple. Sauf si ce poisson est pêché. Dans ce cas-là, le carbone qu’il contient est transporté sur terre et ne sera pas stocké dans les profondeurs des océans. C’est pourquoi limiter la surpêche est à la fois bénéfique pour la biodiversité et pour le climat, tout comme l’arrêt des techniques les plus destructrices. La pêche au chalut, en remuant le carbone des fonds marins, entraîne des émissions de CO2 importantes.
Les scientifiques cherchent de plus en plus à comprendre comment les changements de la biodiversité, qui sont liés au réchauffement planétaire et aux activités humaines, affectent en retour le climat. C’est important pour que les mesures qui sont prises d’un côté pour préserver la nature et de l’autre côté pour ralentir le réchauffement climatique soient mieux coordonnées.
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