On évoque cette question parce qu’en ce moment se déroule dans l’océan Indien, le long de la côte est de l’Afrique du Sud, la plus grande migration du règne animal. Des millions de sardines remontent le courant des Agulhas (des Aiguilles) et cela attire des dizaines de milliers de dauphins, requins, des baleines et des centaines de milliers d’oiseaux. L’occasion pour une équipe de photographes plongeurs et de scientifiques d’alerter sur la nécessité de protéger ces espèces
On appelle ce phénomène naturel la « Sardine Run ». Cela se passe chaque année à l’arrivée du l’hiver austral entre les mois de mai et juillet. Ce jeudi 20 juin une expédition de l’Unesco et de la fondation 1Ocean reprend la mer pour aller filmer et photographier cette migration animale sans pareille.
Imaginez la côte sauvage sud-africaine, abrupte, un océan rude… Le bateau doit fendre la mer pour atteindre cette route migratoire. Alexis Rosenfeld est photographe et explorateur. Il est l’un de ceux qui plongent au milieu de cette intense vie marine: « c’est le majestueux océan qui se révèle à nous avec ces baleines qui viennent engloutir, bouche ouverte, des milliers de sardines. Ce sont les dauphins qui les chassent une à une, ce sont les requins qui sont un peu moins délicats et qui essayent de les croquer plus ou moins bien. Et ces fous du Cap qui sont des oiseaux poissons parce qu’on les voit plonger mais en fait ils nagent sous l’eau avec leurs ailes, comme s’ils utilisaient leurs ailes comme des nageoires pour continuer à poursuivre les sardines ».
« Des milliers d’oiseaux qui plongent tête la première, pour les photographes sous la surface, c’est comme des centaines de grenades qui tombent, ça claque de toutes parts », raconte Alexis Rosenfeld. Autre anecdote incroyable: il est arrivé à certains de ses collègues plongeurs d’être avalés par une baleine qui les a recrachés, vivants, un peu plus loin.
Trailer du film «La Grande Migration du Vivant».
De l’enchantement à l’action
Toutes ces photos, ces films tournés par les plongeurs ou à l’aide de drones constituent des données pour les scientifiques qui étudient le comportement des mammifères marins, la transmission entre baleines adultes et jeunes baleineaux ou encore l’entraide qui semble exister entre les différentes espèces lors de cette grande migration.
Pour toute l’équipe, il s’agit aussi de témoigner, de garder une trace de ce patrimoine commun, et d’inciter à l’action car ces animaux sont en danger en raison des activités humaines sur la côte et en raison du réchauffement ou de la pollution de l’océan.
Fabienne Delfour, chercheuse à l’école nationale vétérinaire de Toulouse et spécialiste des mammifères marins, travaille notamment à partir des images collectées par cette expédition: « la science on sait bien qu’elle ne va toucher qu’un petit nombre de personnes, donc rendre cette information accessible de manière enchantée – c’est un véritable enchantement d’avoir accès à ces images-là – cela ramène aussi des émotions, et des études ont montré que les émotions positives engendrent des engagements pérennes de protection de l’environnement ».
C’est peut-être l’idée à retenir aujourd’hui : alors qu’une émotion négative entraîne des actions à court terme, une émotion positive suscite, elle, des engagements à long terme.
Ce film « La Grande migration du vivant » sera diffusé dans un an, à l’occasion de la conférence des Nations unies sur l’océan prévue à Nice.
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